Le smartphone : Relations connectées – Exposer des objets

“Tout objet technique à la puissance de déterminer les liens que nous créons et entretenons, et les relations que nous tenons pour réelles et importantes.” 

“En économie, on appelle “effet de réseau” le fait que les conditions d’usage d’un produit en renforcent la valeur. Par exemple pour utiliser un téléphone, j’ai besoin que d’autres utilisateurs soient raccordés au réseau, sans quoi je ne peux pas appeler.”

Ces phrases proviennent de l’ouvrage « LE CONSUMÉRISME À TRAVERS SES OBJETS » de Jeanne Guien. Cette philosophe réalise une étude de différents objets omniprésents dans notre quotidien, comme le smartphone, et les comportements que ces derniers induisent. 

 

Cartographier la parole :

Suite à la lecture de ce texte nous avons décidé de créer une cartographie recueillant différents récits d’expériences autour des relations que nous entretenons avec notre smartphone. Le but de notre installation était d’inciter les personnes lors de notre exposition à prendre le temps d’écouter des témoignages divers qui pouvaient faire écho ou non à leurs propres utilisations du smartphone. La structure globale démontrait donc le fait que le smartphone est aujourd’hui un véritable vecteur de lien social dont les impacts peuvent être positifs comme négatifs. En effet, comme la communication est instantanée les échanges peuvent sembler superficiels et banals. 

 

« Je me suis déjà séparé de certaines applications comme Bereal parce que ça me permettrait pas d’entretenir un lien réel avec mes amis, ça me semblait superficiel et ça me faisait plus perdre mon temps qu’autre chose »  V. 15 ans

 

 

 

“(…)je suis heureuse par exemple d’avoir gardé certains courriers de personnes aujourd’hui disparues par rapport aux formulations et personnalités d’une autre époque. Je pense que la facilité d’envoi des messages empêche quelque part la réflexion, le choix des mots.(…) M. 67 ans 

Dans d’autres cas, la communication via le smartphone peut devenir un outil bénéfique dans la simplification des échanges.

« (…) J’ai pu reprendre contact avec une amie perdue de vue. Si nous avions dû nous revoir directement on aurait eu une conversation plus complexe car chacun aurait apporté son ressenti (…) donc avec un sms rapide on peut savoir si la personne souhaite reprendre contact ou non avec nous (…) »

V. 50 ans

 

Nous avons également pu recueillir des récits témoignant d’une réelle emprise du smartphone sur nos vies quotidiennes.

« J’ai récemment cassé mon téléphone et j’ai pris conscience que je n’avais pas besoin de cette SURcommunication (…), je me suis aussi rendu compte que j’avais cette peur constante de perdre mon téléphone, et donc de perdre le lien qui me rallie au monde extérieur, et donc je trouve que le smartphone engendre une pression permanente. » C.18 ans

« (…) parfois je me rendre compte que ça fait 4 heures que je suis sur mon téléphone et que j’ai rien fait et quand ça arrive j’ai besoin de tout nettoyer, tout ranger comme pour effacer ce qui vient de se passer (…) » M. 18 ans

Récolter la parole :

Afin de recueillir des témoignages audio variés, nous avons élaboré un protocole de récolte s’adaptant à différentes tranches d’âge.  

Avez-vous déjà ressenti le besoin de vous séparer de votre téléphone ? (- de 20 ans) 

Votre smartphone nous a-t-il permis de retrouver une personne que vous aviez perdue de vue ? 

Vous sentez-vous nostalgique face aux autres moyens de communication que vous utilisiez auparavant ? (+ de 60 ans) 

Nous avons également voulu poser les mêmes questions à des personnes d’âges différents pour pouvoir comparer les réponses. 

 

Représenter visuellement l’impalpable :

Nous avons puisé notre inspiration dans le livre de Manuel Lima : Cartographie des réseaux : L’art de représenter la complexité. Consacré à la visualisation des réseaux, il nous a permis d’explorer la diversité des codes de représentations graphiques des réseaux à travers les 15 dernières années. Nous avons donc décidé de garder l’idée de prolifération et de groupement à travers des bulles toutes reliées ensemble.

Après avoir sélectionné les extraits les plus impactant de nos interlocuteurs, nous avons créé leurs portraits que nous avons gravés sur du MDF à la découpe laser. Afin de les connecter entre eux, nous les avons reliés par le biais du smartphone placé au centre. Une façon d’évoquer que toutes les personnes interrogées ne se connaissent pas, mais sont toutes reliées par un même réseau. Afin de créer une cohérence d’ensemble, les liens se forment grâce aux cassures du téléphone. 

En ce qui concerne nos choix esthétiques, nous avions pour contrainte d’employer du noir et du blanc ainsi que du bois brut. Nous avons donc peint notre planche en noir afin de mettre en valeur les différents portraits en bois brut. 

Interagir avec un public :

Notre installation devait également intégrer la notion d’interactivité avec le public. Pour cela, nous avons dans un premier temps réalisé des tests pour comprendre quel matériau conduisait ou non l’électricité. Nous avons ensuite peint grâce à de l’encre conductible des bulles de paroles sur les portraits pour inciter les gens à venir les toucher et donc déclencher le témoignage audio. Afin de relier la structure aux audios, nous nous sommes munis d’une barre conductible. Un outil électronique permettant de vulgariser le code électronique grâce à une carte autonome qui peut être programmée et associée à l’encre conductrice. 

Nous avons pu tester notre dispositif auprès d’une autre classe de dnmade. L’interaction s’est faite assez naturellement, les personnes étaient, en effet, intriguées par les portraits et venaient toucher de façon instinctive les bulles conductrices.

 

 

À travers notre exposition nous avions à cœur de mettre en valeur la réflexion de personnes n’ayant pas forcément la possibilité de s’exprimer sur ce sujet, en insistant sur le fait de prendre le temps d’écouter la parole d’autrui. Le visiteur est amené à s’asseoir, à écouter et à son tour penser à ses interactions sociales sur son smartphone.  Ainsi les personnes qui ont interagi avec la structure nous on fait part de leur avis sur les différents témoignages. Nous avons ainsi pu amener le dialogue. Nous aurions pu mettre en place un système pour recueillir la parole des visiteurs et ainsi agrandir la cartographie.