Le design social peut utiliser la dialectique image-son afin de favoriser la sensibilisation, la compréhension et l’engagement des usagers sur leur rapport au paysage sonore urbain, tout en intégrant une démarche participative ?
Voilà la question qui a orienté et mené mon projet suite à ma recherche et mes expérimentations sur la capacité du son en tant qu’outil de lien social.
CONTEXTE
Cette problématique découle du constat suivant : la majorité des citadins ont souvent peu conscience des sons qui les entourent en ville. Cependant, lorsqu’on les accompagne dans l’intérêt du paysage sonore urbain, les usagers trouvent un plaisir à redécouvrir et à chercher à comprendre l’environnement sonore dans lequel ils vivent. Mon hypothèse est de réaliser un projet permettant de valoriser, sensibiliser et engager les citadins au paysage sonore urbain
PARTENAIRE
Pour expérimenter et répondre à mon hypothèse, j’ai choisi de travailler en partenariat avec l’espace Django au quartier Neuhof. L’espace Django est une salle de concert qui propose toutes sortes d’activités de découverte sonore, mais surtout qui s’engage à créer une vraie vie de quartier au travers de leurs propositions culturelles. Travailler avec leur super équipe fait évidemment sens et lien avec mon projet pour ces mêmes qualités.
DÉROULEMENT DU PROJET
Mon projet se décompose en 3 ateliers :
Première étape :
une récolte d’éléments sensibles sonores et visuels grâce à des outils design créés par mes soins. Cette étape permet de créer une nouvelle perception du paysage sonore auprès des usagers tout en récoltant des sons et visuels du quartier.
Deuxième étape :
un tri des éléments sensibles récoltés par les citadins.
Troisième étape :
la création d’une fresque sonore et graphique à partir des éléments sensibles récoltés par les usagers. La construction de cette fresque pousse les usagers à participer et valoriser l’échange social et la perception du paysage sonore urbain par la création artistique commune.
PREMIÈRE ÉTAPE : RÉCOLTE SENSIBLES D’ÉLÉMENTS SONORES ET VISUELS
Lors de la conception et fabrication du projet, je me suis particulièrement concentrée sur la première étape du projet car il me semblait essentiel de développer un bon cheminement pour récolter les éléments sonores et graphiques qui sont centrales dans le projet. Il était tout aussi important, en parallèle, de créer une réelle expérience de découverte sonore urbaine pour les usagers. Ainsi, j’ai créé une structure qui se décompose en 3 activités et qui guide les usagers dans la découverte et la récolte sonore urbaine. Les trois activités de la structure durent en tout une 20aines de minutes et se font en duo.
PREMIÈRE ACTIVITÉ
La première activité permet au duo de représenter et comprendre la perception qu’ils ont, individuellement, du paysage sonore en ville.
Pour cela, ils vont venir interagir et toucher, un à un, les quatres carrés. Chaque carré est peint avec de la peinture conductrice et est relié à un connecteur d’une carte arduino. La carte arduino est une carte électronique qui permet d’enregistrer et d’émettre un son sur chacun de ses connecteurs. Ainsi, lorsque l’on touche un carré relié à un connecteur de la carte arduino, cela déclenche le son enregistrer sur ce même connecteur. Les usagers touchent alors quatre carrés différents déclenchant quatre sons provenant du quartier.
Les sons que j’ai sélectionnés sont des rires dans une cour d’école, des oiseaux, le vrombissement d’une voiture et des personnes qui discutent. Après avoir écouter les 4 sons, les usagers vont venir répondre à différentes questions en lien avec ces sons : quel son illustre le plus la ville selon eux, à quelle fréquence ils entendent ce son en ville, qu’est-ce qu’ils ressentent face à ce son, laquelle des 6 matières présentes sur la structure leur rappelle le plus le son. Ces questions permettent une analyse sensorielle et personnelle de leur environnement sonore. Enfin, pour bien jouer avec la dialectique image-son, les usagers choisissent l’objet qui représente le plus la ville selon eux et l’accrochent sur le mobile.
DEUXIÈME ACTIVITÉ
La deuxième activité est une balade accompagnée d’outils design dans le quartier du Neuhof afin de faire découvrir le paysage sonore urbain aux usagers.
Pour accompagner les duo dans leur balade, j’ai créé 4 sac avec 4 protocoles de balade suivant les mêmes paternes, mais avec des outils d’observation sonore différents. Chaque sac se compose d’un livret protocole expliquant les différentes étapes de la balade, d’une carte du quartier, de gommettes permettant de situé sur la carte du quartier où les usagers ont entendus les sons, de QR codes pour envoyer les récoltes sonores et graphiques faites durant la balade, d’un stylo, et d’un outils design.
PREMIER PROTOCOLE
Le premier protocole de balade est nommé écoute attentive. Grâce à ce protocole, le duo définit un chemin d’environ 10min à suivre dans le quartier. Chaque personne du duo prend ensuite l’outil topophone (cône en liège) pour écouter plus attentivement les sons lors de la balade. Leur objectif est de trouver 4 types de sons différents : un son naturel, un son artificiel, un son musical et un son humain. Dès qu’ils entendent un de ces types de sons, ils l’enregistrent et prennent une photo d’ensemble de l’endroit où ils l’ont entendu. Le duo colle aussi une gommette sur la carte du quartier à l’endroit où ils se trouvent. A la fin de la balade, les usagers envoient les différents sons et photos grâce aux QR code.
DEUXIÈME PROTOCOLE
Le deuxième protocole, nommé vision cachée, suit le même principe de cartographie du quartier, d’enregistrement sonore et photographique et d’envoie via les QR code. Ce qui diffère du premier protocole est l’outil design. Dans ce protocole, l’outil sont des lunettes qui altèrent ou obstruent la vue. Ainsi, le duo définit deux rôles différents : l’explorateur étant celui qui porte les lunettes obstruant la vue et le guide étant celui qui, comme son nom l’indique, accompagne l’explorateur. Pendant la balade, le guide aide l’explorateur à se déplacer, et ce dernier notifie au guide chaque son dont il ne comprend pas la source. Dès que l’explorateur entend un son qui lui est incompréhensible, le duo s’arrête, le guide enregistre le son, prend une photo d’ensemble et place une gommette sur la carte du quartier à l’endroit où ils se trouvent. A mi-parcours, les deux personnes échangent leur rôle. Une fois la balade terminée, le duo envoie les photos et enregistrements via les QR code comme pour le protocole précédent.
TROISIÈME PROTOCOLE
Le troisième protocole, nommé cartographie sonore, est similaire dans son fonctionnement aux deux premiers. Sauf que, cette fois-ci, les usagers doivent suivre un chemin déjà défini sur la carte du quartier et doivent s’arrêter à chaque endroit marqué d’une gommette. A chaque arrêt, ils doivent être attentifs et trouver 2 sons intrigants ou bizarres, les enregistrer et les envoyer via le QR code.
QUATRIÈME PROTOCOLE
Enfin, le quatrième protocole, nommé émotions sonores, fonctionne sur le même principe que ces trois prédécesseurs à quelques nuances près. Les usagers, dans le cadre de ce protocole ci, doivent se laisser porter par leurs émotions et trouver trois sons leur apportant de la joie, du calme et des rires. Lorsqu’ils entendent un son leur provoquant une de ces émotions, ils l’enregistrent et l’envoient via le QR code. Les usagers prennent ensuite dans le sac une feuille “récolte d’empreintes”, la place sur l’objet ou près de l’objet ayant fait le bruit et frottent une craie grasse sur la feuille. Ainsi, ils récupèrent une empreinte graphique liée étroitement au son qu’ils viennent d’entendre.
TROISIÈME ACTIVITÉ
Enfin, la troisième activité est un moyen de conclure l’évènement en questionnant les usagers sur leur rapport au paysage urbain après la balade sonore. Pour cela, les usagers vont choisir le son le plus surprenant qu’ils ont entendu lors de la balade et compléter différentes phrases en lien à ce son.
ANALYSE DE LA PREMIÈRE ÉTAPE : RÉCOLTE SENSIBLES D’ÉLÉMENTS SONORES ET VISUELS
Les résultats des tests de ce projet ont été très concluants. Le projet à permis de confirmer que les citadins ont souvent une vision négative ou neutre du paysage sonore urbain, mais qu’après l’utilisation d’outils ou protocoles sonores ludiques les usagers sont plus engagés et sensibilisés à la découverte de l’environnement sonore qui les entoure. En parallèle, ces activités ont permis de récolter des matières sonores et graphiques variés permettant de construire la fresque.
DEUXIÈME ÉTAPE : TRI DES RÉCOLTES SONORES ET GRAPHIQUES
La deuxième grande étape du projet est donc le tri des éléments sensibles récoltés lors des balades. Ce tri est fait par mes soins et permet de trouver une cohérence dans les différents éléments sensibles récoltés par les usagers.
DERNIÈRE ÉTAPE : CRÉATION COMMUNE D’UNE FRESQUE SONORE ET GRAPHIQUE
L’objectif final est de déployer la fresque dans l’espace urbain et de créer une bande sonore, à partir des sons récoltés, accompagnant les usagers dans la découverte de cette fresque.
Pour cela, j’ai décidé de créer un événement de création artistique pour créer la fresque et la bande sonore. Les usagers viennent donc à partir des photos récoltés découvrir ce qu’est le cyanotypie, c’est-à-dire l’impression photo sur tissu grâce à une formule et au soleil. Ils viennent aussi expérimenter la linogravure pour retranscrire les empreintes récoltés et ils découvrent et créent une bande sonore sur un logiciel musical. Toutes ces créations permettent d’intégrer les usagers dans la valorisation du paysage sonore urbain et dans une démarche participative leur offrant un moment de co-conception et de partage convivial.
Par soucis de temps, je n’ai pu réaliser cet évènement, mais j’ai pu expérimenter de mon côté les différentes techniques artistiques dont les résultats sont très concluants
CONCLUSION
En conclusion, la démarche de projet est une poursuite des problématiques et hypothèses que j’ai évoqué lors de ma recherche. Le processus de conception et technique est selon moi complet et suit un cheminement cohérent. Cependant, en cherchant à bien développer l’expérience des usagers sur la première étape, je n’ai pas pu réaliser le final du projet. C’est un choix que je ne regrette pas avec du recul, car l’approfondissement du projet a permis aux usagers de réellement s’intéresser et participer à la compréhension et la valorisation du paysage sonore qui les entoure. De plus, un projet comme celui-ci continuera à vivre et évoluer tant que les usagers et moi travaillerons dessus.