Mémoire

En tant qu’étudiante en troisième année de design innovation sociale, j’ai décidé pour mon mémoire et mon projet de travailler sur le rapport au corps à l’adolescence et le handicap social généré par la différence physique.

Au début de mes recherches, j’ai souhaité travailler sur l’accompagnement des personnes atteintes du Vitiligo, une maladie qui a pour effet d’exclure socialement les personnes qui en sont porteuses. Il s’agit d’une dépigmentation de la peau qui se manifeste par l’apparition de tâches sur le corps. Pensant que cette singularité physique ne devait pas passer inaperçue au quotidien, j’ai souhaité me renseigner d’avantage sur ses éventuelles répercutions.

J’ai alors échangé avec Martine Carré, la vice-présidente de l’Association Française du Vitiligo, qui m’a expliqué que les personnes porteuses de cette maladie subissent des regards insistants, des remarques, des moqueries et voir du harcèlement dans les espaces publics, ce qui les conduit à perdre confiance en eux. Ce rejet social entraîne un rejet de soi, et effet boules de neige des difficultés à garder un emploi, faire des rencontres et avoir des relations intimes et/ou amoureuses. C’est pourquoi, j’ai trouvé d’abord pertinent de travailler en tant que designeuse sur l’accompagnement des personnes dont la maladie affecte leur corps et les marginalise.

Au cours de mes recherches, je me suis rendue compte que les questions que je souhaitais aborder sur le rapport au corps et l’exclusion sociale sont aussi présentes à l’adolescence. Il s’agit d’une période de transformations physique, où l’individu est confronté à une ambivalence entre le désir de s’approprier son corps et trouver son identité, et celui de s’apparenter à ses pairs pour s’intégrer socialement. De plus, l’image de leur corps est influencée par les standards de beauté omniprésents dans les médias et réseaux sociaux. J’ai donc décidé d’élargir ma cible aux adolescents ce qui me permet de travailler avec des adolescents malades comme non-malades m’offrant plus de possibilités pour mon projet.

Je me suis  renseignée sur les espaces dans lequel je pourrais intervenir en tant que designer. Les professionnels de lieux comme le CAMPA (centre d’accompagnement médico-psychologique pour adolescents) de Strasbourg et la MDA (Maison des Adolescents) de Strasbourg m’ont expliqué que leur rôle est de lutter contre le handicap social et ses répercussions psychologiques, en revalorisant le rapport au corps. Ces interventions ont pour objectif de soigner la perception de soi, de contribuer à une prise de confiance en soi et d’apporter un soutien psychologique pour améliorer la qualité de vie. Ces professionnels ont porté un grand intérêt à mon projet en m’expliquant qu’ils avaient justement besoin d’outil afin de faciliter les échanges sur le rapport au corps avec les adolescents. 

J’en suis donc venue à me demander, comment en tant que designeuse, je pouvais accompagner les soignants et les professionnels d’espaces d’accueil pour adolescents qui sont confrontés aux difficultés que les adolescents rencontrent avec leur corps ? Comment pourrais-je les outiller pour faciliter les échanges ? Pour soigner la perception de la différence ? Pour revaloriser le rapport au corps ? 

Pour mon projet, j’ai actuellement deux pistes. L’une serait de fabriquer un outil pédagogique, facilitant la prise de parole sur les questions du corps au travers du ludisme. Je trouve pertinent d’y inclure le concept de participation collective, car lors de l’expérimentation de mon outil pédagogique je me suis rendue compte que de faire participer les adolescents en groupe les mettait davantage à l’aise. En effet, cela permettait une prise de parole libre et spontanée, ce qui leur donnait envie d’échanger entre eux, voir de soulever des débats. De plus, la participation collective offre la possibilité d’échanger sur son rapport au corps personnel mais aussi sur celui de l’autre, et donc de comprendre l’autre dans sa différence ce qui apporte d’avantage d’intérêts à l’outil. Enfin, je trouve pertinent pour ce projet d’y inclure les notions d’interactivité et de ludisme, car lors de l’expérimentation de mon outil pédagogique, j’ai observé que la présentation de l’outil sous forme d’un jeu avait donné la volonté aux adolescents de participer. Aussi la surface magnétique a provoqué l’envie de manipuler et donc a mis en confiance les adolescents. La représentation de la diversité corporelle me semble également primordiale dans ce projet, afin de permettre à des adolescents de s’identifier à un corps, de déconstruire les stéréotypes autour de celui-ci, et donc de contribuer à une prise de confiance en soi. Cette notion m’est venue du projet Puzzle de corps du designer et créateur d’outils pédagogiques Thomas Huard. Cet outil est un puzzle constitué de différentes pièces en bois représentant des parties de corps. Trois corps de femmes, trois corps d’hommes et un corps transgenre y sont illustrés. Par ce biais, cet outil permet d’imaginer des corps et donc de faire exister les corps différents. Il donne aussi la possibilité à un adolescents de s’identifier à l’un d’entre eux, de s’exprimer sur son rapport au corps, et de le partager. Ce sont ces concepts que je souhaiterais appliquer à mon projet. Ce dernier peut donc se matérialiser sous la forme d’un jeu modulable, permettant de constituer différents corps. Je trouve intéressant de réfléchir à la réalisation de personnages à composer. L’aspect technique peut être l’emboîtement, le scratch et/ou le magnétisme.

Pour ma deuxième piste de projet, je trouve intéressant de réfléchir à l’utilisation de témoignages d’adolescents, que ce soit pour raconter une situation de harcèlement, d’exclusion, ou alors l’évolution d’un rapport au corps. L’idée serait de permettre les échanges entre les adolescents, et de sensibiliser à l’exclusion sociale et à la différence physique. Il permettrait alors de contribuer à une prise de parole, en créant du contenu qui favoriserait les échanges et le soutien. Ce projet peut se matérialiser sous la forme d’un kit d’édition remis dans des espaces scolaires et/ou d’accompagnement, permettant de raconter des histoires. L’intérêt dans l’édition est le fait de créer un objet qui peut se garder et se partager. Aussi ce projet peut se concrétiser sous la forme d’un protocole d’utilisation d’outils existants dédiés aux adolescents, comme les réseaux sociaux ou le support vidéo (caméra du téléphone portable).

Ces projets peuvent s’inscrire dans un contexte thérapeutique au CAMPA, mais aussi dans un espace d’accompagnement et d’écoute comme le Planning Familial ou la MDA. Si le contexte sanitaires ne me le permet pas, j’élargirai mon intervention aux espaces scolaires ou de loisirs comme les centres culturels. Le financement de mon projet sera alors public.

Pour lire mon mémoire et ses annexes, retrouvez le ici :

Chloé-Turbian-Mémoire-Annexes