LA MUE DES MUSÉES – ÉLISA GUILLET

Au fur et à mesure que j’approche, tout se dévoile. Ils apparaissent peu à peu à travers ces surfaces, ces voiles presque insaisissables et pourtant si matériels, qui les protègent eux, comme des coques invisibles, le blanc translucide de l’œuf gardant précieusement le jaune en son sein. Les postures de ces coques en feraient presque des corps animés. Elles sont perchées sur leurs jambes, tantôt élancées, en fragile équilibre, tantôt ancrées dans le sol, courtaudes et sûres d’elles.

Je cherche, je m’approche, j’épie l’objet de ma curiosité. Je tourne autour, je passe en dessous, je chemine à travers, je m’en éloigne même parfois pour en saisir toute l’ampleur. Ce paysage lunaire est comme une île, ou plutôt un glaçon rafraîchissant au milieu de la frénésie urbaine; un glaçon qui contraste mais qui se fond aussi avec son environnement et l’influence.

On peut alors déceler le fil rouge, le lien qui unit ces éléments hétéroclites, dispersés dans l’imaginaire collectif, qui sont, pour un temps, tous rassemblés comme pour une réunion de famille. Chaque élément ici fait écho à un autre, ils dialoguent, se répondent, ou s’affrontent, se complètent, se rassemblent, se toisent, s’ignorent parfois.

Personne n’est encore là, j’en profite pour m’étendre. Une pause est nécessaire pour faire un arrêt sur image. Tous mes sens sont sollicités, j’en ai perdu la notion du temps et il me faut une seconde pour me rappeler où je suis. Je lève la tête doucement, je reconnais les maisons alentours, l’air frais fait voler des feuilles qui viennent glisser sur la voûte imagée qui me surplombe.

Du coin de l’œil, je repère le même motif sur un tableau que celui qui se trouve au dessus de moi. Je me relève et avance vers ledit tableau, quand je remarque que je longe ce même motif, traduit en relief cette fois. Pas de couleur, pas la même échelle, mes doigts l’effleurent comme si je pourrais en déceler la matérialité intrinsèque, qui pourtant ne renvoie à aucun des deux autres éléments susnommés. Un univers se dessine alors. Des techniques, des représentations, des interprétations, tout ici est multiple et unique à la fois. Les objets, les photos, les dessins me sont tous en un sens familier. Je reconnais des formes globales, des codes colorés, des styles et pourtant je ne les avais jamais vu appliqués, combinés, présentés de la sorte.

Et c’est là toute la finesse de cette installation. Les éléments de scénographie mettent en valeur des éléments présentés tout en ayant leur propre personnalité. Les éléments présentés font écho à des cultures communes, des traditions tout en ayant leurs propres identités.