Introduction

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 Je m’intéresse particulièrement aux espaces liés à des pratiques culturelles, aux lieux qui rendent possible l’expression, la genèse de sensibilités et qui les accompagnent. Je m’interroge sur l’aménagement d’espaces culturels publics dans des friches urbaines ou industrielles, pour créer l’opportunité de révéler par des intentions spaciales un travail réalisé en amont de récolte, collection, partition et solfège du territoire du port-du-rhin. On y retrouve un questionnement sur les espaces résultants, les zones de sensibilités superposables, les récits, narrations, et objets/outils d’expérience et de récolte sensible pour alimenter cette identité qui va-et-vient entre l’expérience de chacun, et l’état des lieux concret et commun. L’usage du territoire, et les légitimités des usages et usagers : l’imaginaire, le patrimoine, au service d’une utilisation raisonnée (architecture, urbanisme, paysage) et démocratique, en s’appuyant sur ces ressources narratives, cartographiques, sonores etc.

 Un projet qui ferait le lien en impliquant la participation d’usagers (habitants, tourisme, enfants etc), pour dresser un manifeste, un plan-guide transposable d’usages fantasmés, intimes, imaginaires, collaboratifs etc révélés par la superposition de toutes les niches et strates sensibles. Avérer la sensibilité comme élément moteur de l’investissement de l’espace, questionner la hiérarchie des fonctions, et mettre en avant la notion de Seuil de conditionnement, le seuil de sensibilité, le Moment et l’Endroit où on est comme un espace résultant : en réflexion, dans l’entre-deux, la non-propriété, la non-affiliation, le détachement des fonctions instaurées institutionnellement ou par autorité. C’est là que l’on peut s’exprimer et faire émerger le sens de tout projet qui s’inscrit, ou s’inscrira en ce site, cette niche, cette zone révélée, et mettre ce plan des seuils de sensibilités au service des institutions ou collectivités territoriales par exemple, ou créer des événements, ateliers débats ou assemblées spontanées (cf place de la république) pour nourrir la réflexion et construire, instruire des ressources .

La rue parle

Le terme infobésité est un néologisme, un mot-valise qui représente la contraction entre information et obésité. Il désigne la surcharge informationnelle à laquelle la population est confrontée . L’infobésité est comparée à un excès de matière grasse formée par le bombardement d’informations qui étouffe les processus intellectuels, entraînant surcharge cognitive, sensorielle et communicationnelle.

Le paysage urbain lui aussi à mon sens est soumis à l’infobésité. La multiplication des informations dès qu’un usager met un pas dans la rue n’est pas évidente au premier abord et pourtant, les supports sont nombreux. On peut citer enseignes, devantures, affiches, tracts, signalétiques, affichages lumineux, formats sucette, abribus, kiosques, transports en commun, couloirs de métro, supports personnels (cartes de fidélité, tickets de caisse…).

Si je remarque cette surabondance de supports et médias de communication, c’est parce que, par ma formation, mes études, je suis sensibilisée aux supports visuels mais pour une personne qui ne l’est pas, cette surabondance fait un effet caméléon dans la ville et vient se fondre dans le paysage. De ce fait, cette volonté de communication a pour finalité de ne plus communiquer ne d’intéresser et en retour, agresse, dérange et envahit.

Je me questionne alors sur ce sujet : comment communiquer sans envahir ? Quels supports de communication pour quel lieu ? Comment atteindre l’usager lorsque le support est lâché dans la ville ?

Je me propose alors de travailler des modes alternatifs de communication et pour ce faire, je veux m’intéresser aux trajets de routine qui sont pour moi le lieu où l’usager fait moins attention à ce qui l’entoure et susciter son attention, supprimer ses oeillères de façon à ce qu’il redécouvre son propre trajet et ouvre l’oeil sur ce qui est sous ses yeux.

 

RÉÉDUQUER LE REGARD /// RÉAPRRENDRE À REGARDER /// COHABITATION USAGER ET MEDIAS

 

Promenade sensible

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Jeudi 3 novembre, à proximité de la rue de Dunkerque, Strasbourg.

Il est 14h et nous nous apprêtons à déambuler dans les rues du quartier du port du Rhin, les yeux fermés. Le processus est simple, une personne gardera les yeux ouverts pour guider l’autre, aveugle, à travers les différents terrains du port. Les yeux fermés, nous partons explorer un terrain que nous avions visité quelques semaines plus tôt. Plongé dans le noir, le site me parait alors inconnu, les repaires disparaissent pour laisser place à certaines sensations étranges, parfois mystérieuses.

En enlevant l’un de nos sens les plus importants, et des plus vital de notre quotidien, le monde nous parait bien étranger. Les autres sens se mettent alors en éveil. On leur prête alors une attention plus particulière. Les sons deviennent des repères, et nous aident à qualifier certaines zones. Les différents bruits de voiture indique des zones de circulations. L’intensité de ces sons nous permettent aussi d’évaluer les dangers. Le passage d’un camion dans une petite rue étroite ou sur une artère de circulation importante sera différent. On distingue alors certaines choses, certaines différences que nous n’aurions pas discerné les yeux ouverts.

Le toucher est aussi mis à contribution. Les différences de sols se ressentent très vite, et devient à leur tour, des repères. On discerne très vite la traversée des zones urbaines des zones naturelles par la dureté des sols. L’odorat permet aussi lui aussi de distinguer certaines zones. Dans le quartier du port du Rhin, j’ai notamment pu distinguer les zones industrielles, des zones naturelles, mais aussi des zones d’habitation.

Privé de l’un de nos sens les plus indispensables, les yeux fermés, on se focalise d’avantage sur nos autres sens. Cela nous permet alors de ressentir des sensations nouvelles, sans intérêts auparavant.

RESSENTI AVEUGLE
Pour la première partie de la visite, nous partons de la place centrale du quartier, derrière la pharmacie. On distingue un léger bruit de circulation automobile en fond sonore. Les voitures paraissent loin, mais leurs présences restent évidente.

Puis on s’approche de plus en plus de la route, le sons des moteurs devient omniprésent, on n’entends plus que ça. J’imagine que nous nous arrêtons à un feu rouge piéton mais les yeux bandés et avec le bruit de la circulation, j’ai la sensation d’être en plein milieu de la voie, à une grande heure d’affluence. Nous traversons cet espace assourdissant, pour le laisser peu à peu derrière nous. J’ai eu ensuite la sensation de longer les nouveaux logements, récemment construit en direction du jardin des deux rives.

Ensuite, la coupure avec la bruit intense de la circulation se fait de plus en plus important. On a alors un long passage par le jardin des deux rives, plus aucun bruit n’est pas perceptible, juste le son léger du vent dans les arbres et celui de nos pieds dans l’herbe. Le toucher des matières naturelles nous permet aussi de comprendre l’espace. On a alors l’intention d’être dans une bulle. Puis on longe les quais du Rhin, avec le son du claquement de l’eau. De tout les endroits traversés les yeux fermés, je pense qu’il s’agissait de l’endroit le plus apaisant et le plus agréable. Le calme ambiant apaisait et laisser libre cours à notre imagination. Personnellement, j’ai eu la sensation de retrouver me retrouver dans un espace connu qui est le bord de mer.

Puis, j’ai eu la sensation que nous avons traversé la zone d’habitation, que l’on peut distinguer grâce aux sons plus léger, des bruits de pas, des personnes qui parlent ou des bruits de portières qui s’ouvrent ou se ferment. Les odeurs me permettent aussi de distinguer la zone dans laquelle nous nous trouvions, une odeur de plat mijoté, rappelle la place des habitations et des quelques restaurants locaux. Le trajet se termine en arrivant dans le début de la zone industrielle, cela se perçoit grâce aux odeurs et à la circulation qui redevient importante. Le bruit devient omniprésent et assourdissant.

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Jeudi 13 octobre, école internationale du port du Rhin.

Première exploration du terrain d’expérimentation : le port du Rhin. Le secteur du port du Rhin est un quartier en pleine mutation, le réaménagement total de la zone frontalière a débuté en 2010. Nous partons donc, en labo, et à vélo, explorer ce vaste espace.

Premier arrêt à l’école internationale, rénovée entre 2012 et 2015, elle accueille aujourd’hui des enfants de la maternelle à la primaire de toutes origines, des enfants vivant aussi bien à Kehl qu’à Strasbourg. Cette école cherche à développer les capacités de l’enfant grâce à des techniques d’enseignements allemande. Les élèves reçoivent les cours dans les deux langues, les aires de jeux extérieures sont adaptées à leurs âges et leur motricité. Un petit carré de potager y est même installé.

La journée se poursuit avec l’exploration de la zone portuaire au nord de l’Ile aux épis. Nous pouvons alors constater très vite des différences entre les différents espaces de l’Ile. On distingue une zone de logements anciens et neufs, autour de l’axe qui relie Strasbourg à Kehl. Une zone qui est en construction depuis 2010, dynamisée par la future arrivée du tram de Strasbourg. Au nord de cet axe, on retrouve la zone portuaire avec tous les anciens bâtiments de la COOP qui sont aujourd’hui à l’abandon ou utilisés comme ateliers d’artistes. C’est une zone entièrement industrielle, rythmée le jour par les flux constants de camions.

Pour terminer cette exploration urbaine, nous terminons la journée par un passage par la ville de Kehl, ville frontalière au bord du Rhin. Il s’agit principalement d’un lieu de passage pour arriver en Allemagne, mais aussi d’une zone pavillonnaire très différentes du système français. Au détour d’une allée, nous tombons dans un petit parc le long d’un canal, très calme, pourtant à deux pas du centre ville et de la métropole Strasbourgeoise. Notre périple se termine par un passage sur la passerelle des deux rives, qui relient pour les piétons et vélos, l’Allemagne à la France, en passant par le jardin des deux rives. Un endroit vert, agréable et paisible, très appréciés des habitants de la métropole le dimanche.

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Les pieds dans l’herbe

Dans le cadre de mon projet, je m’intéresse aujourd’hui à la place de la nature et de la végétation dans l’espace urbain. Ayant grandi à la campagne, je suis sensible aux questions de nature et de verdure. J’explore ainsi la question de l’amélioration de la qualité de vie d’un quartier en ville grâce à l’intégration de la nature.

Mon terrain d’expérimentation sera celui du port du Rhin. Une zone en totale reconstruction entre Strasbourg et Kehl, bordée par le Rhin. Ce vaste espace se reconstruit depuis quelques années mais les traces du passé industriel restent très présentes. Il s’agit d’un terrain pollué avec certaines zones encore en friches. La zone se situant autour de l’axe principal Strasbourg-Kehl est très artificiel et récemment construit. Dans les zones restantes qui sont délaissées, la nature reprend peu à peu ses droits, les mauvaises herbes se ré-approprient l’espace. J’expérimenterai sur ce terrain grâce à des ateliers et diverses expériences avec les habitants du quartier, ainsi que les enfants de l’école internationale.

Mon but premier est de réintégrer la nature dans l’espace urbain, mais j’imagine ce projet grâce à l’intervention des habitants. Chacun actera dans son propre quartier pour le rendre plus vert et plus agréable. Le citadin apprends ainsi son rôle de citoyen en devenant acteur de son propre quartier, et en se mélangeant aux autres. Dans la dimension d’espace, j’imagine un processus de co-conception, construire et concevoir avec des experts, mais aussi avec les habitants.

Avec une vision utopique, j’imagine lier les habitants à leur quartier, par différents ateliers et différents processus de partage autour du thème de la végétation urbaine. Je visualise alors un endroit central qui est un espace commun aux habitants du quartier : un espace propice à la détente, aux échanges, et à l’éveil des sens autour de la végétation. Le processus de végétalisation du quartier se pense ainsi à moyen terme. Les habitants deviennent acteurs de ce processus, à travers différents ateliers. On imagine alors des ateliers réguliers organisés et réalisés par les habitants dans le but de valoriser leur quartier et leur territoire par l’intervention de la végétation dans le milieu urbain. Cela mettra en lumière le partage d’expériences et de connaissances en terme de nature.

Grâce à ce projet, on assiste à un renforcement de la vie de quartier et l’amélioration de la qualité de vie des habitants du quartier, au quotidien et dans l’espace public.

En ce jeudi 3 novembre,  nous nous retrouvons pour explorer l’île aux épis du port du Rhin en suivant un protocole un peu particulier. Par binôme, l’un ferme les yeux et l’autre est son guide voyant; l’objectif est que celui qui évolue à l’aveugle se fie à ses sens pour décrypter, imaginer son environnement, et enrichir son attention aux signes sensibles. Récit.

« Je prends par le bras mon partenaire. Après quelques pas mal assurés, je m’abandonne à mon ouïe, toucher et odorat. Mes expériences vécues sont mes seules ressources. Le corps mis à l’épreuve, je situe et identifie des éléments remarquables, et les transitions qui les relient, les opposent, les tissent.

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Le traffic routier, ferroviaire, cycliste, pédestre. L’industrie, la ville, la friche. La liberté, la limite. Le signe. Le repère. Différents volumes sonores, vrombissements, moteurs, pédaliers. Le bruit de mes pas révèle la topologie du sol que je parcours. En sondant la matière qui défile, je découvre les feuilles mortes, l’usure de l’asphalte, la terre, l’herbe, la pierre, le métal. La présence d’un espace réverbérant comme un tunnel après une étendue supposément dégagée. Le vent dévoile les rues, les carrefours, les obstructions. Le niveau des sols. Les aspérités, creux, plats, dessinent la matérialité. Des duels se jouent entre l’organique et le minéral.

Je ne tiens plus que d’un doigt mon guide. Ma concentration s’efforce sur un signe sensible que je ressens, quelque chose que j’aimerai saisir. La sensation de voir des phénomènes lumineux les yeux fermés. Les phosphènes. De petits points scintillent, un disque vibrant à la fois blanc et noir apparaît dans un dégradé orange lorsque je fais face au soleil. La chaleur m’envahit, c’est lui. Et d’un pas, me voilà tiré dans une toile d’un bleu abyssal. Le froid, mes pas résonnent, je suis plongé dans un tunnel. Le disque blanc noir a laissé place à d’audacieuses lignes et de forts points brillants qui flottent un peu puis s’estompent. Comme la mémoire des sensations, de la condition toute précédente.KM_C454e-20161118144254

Une odeur peu agréable revient. Le tunnel mène à une zone sensiblement industrielle. Je réalise alors le caractère insipide et neutre de ce que j’ai éprouvé avant. Le quartier résidentiel. Quel contraste avec l’air fort, presque pur qui soufflait près des bruits de clapotis. Le Rhin sans nul doute.

Ces fortes transitions sont marquées par la différence, mais aussi la cohabitation d’éléments essentiellement opposés. Je devine la séquence dictée par des obstacles dont la volumétrie, la densité, l’intensité varient. Des scénarios prennent forme dans ma tête. Les images mentales que j’associe dressent le décor. L’enchaînement des couleurs, des intensités sont les péripéties; Je ressens les typologies d’environnements. Aujourd’hui, j’ai vécu ce territoire. En manipulant et reliant des images, sensations qui appartiennent à ma mémoire d’expérience. En interprétant les paramètres sensibles comme des signes qui le définissent. A la manière d’un générateur de narration tantôt abstraite et mystérieuse, parfois concrète, le regard autre que j’apporte fait naître sous un jour nouveau mon patrimoine sensible. La cessité est un seuil de sensibilité. Une condition à la considération. »KM_C454e-20161118144254

 

Routes

Vous avez sûrement déjà réalisé des trajets de plusieurs heures mêlant autoroute et nationale. Vous connaissez donc ces longues lignes droites ennuyeuses et interminables. Qu’ils soient quotidiens ou exceptionnels, beaucoup de trajets nous ennuient. Ayant parcouru plusieurs milliers de kilomètres au cours de ces 4 dernières années, je peux vous assurer que je me suis fortement ennuyé et que beaucoup de personnes ont ressenti ce désagrément.

Fort de ce constat, j’ai décidé de questionner la thématique de l’ennui des trajets sur autoroute. Mon projet appelé “Route” a pour but d’appréhender les différents paramètres qui rendent la conduite ennuyeuse. Les infrastructures autoroutières sont de plus en plus standardisées. Les véhicules modernes, aseptisés gomment les sensations de conduite et les conducteurs deviennent des automates. Ceux-ci agissent par habitude sans prendre conscience de l’environnement qu’ils traversent.

J’ai donc décidé d’expérimenter des principes qui permettent de jouer avec les sensations des conducteurs et des passagers. Le but est d’ouvrir la bulle hermétique de la voiture aux paysages que l’on traverse. Les nouveaux dispositifs de l’habitacle proposeront une réelle expérience du trajet. Imaginez-vous passer dans une forêt embrumée et entendre chaque feuilles sur lesquelles vous roulez. Ressentir sous vos doigts le volant s’onduler lorsque vous roulez sur du gravier. Pouvoir regarder des informations qui seront projetées sur votre pare-brise et qui indiqueront des lieux extraordinaires. Voici la conduite augmentée que je souhaite proposer avec ce projet. L’ambition n’est pas de dérouter l’automobiliste mais plutôt d’éveiller ses sens à l’aide de solutions stimulantes. Ainsi, le trajet devient une véritable expérience sensible provoquant des émotions inédites.

A deux mains

Avez-vous déjà vu un ébéniste qui s’intéresse peu à la matière, peu à son odeur. Qui ne porte pas un vif intérêt pour son touché et qui ne connaît pas ou peu l’histoire du mobilier.

Et bien oui, il y a moi Morgane RATTON.

J’ai appris le métier d’ébénisterie et je possède le plus haut niveau dans ce domaine. Et pourtant, je suis loin de connaître toutes les essences de bois, leurs propriétés et leur histoire. Même si je peux relever des qualités esthétiques à une matière, vous ne m’entendrez pas vous dire que j’ai toujours aimé la matière, que j’aime la sentir, la toucher ou que je suis tombée dedans quand j’étais petite.

J’ai choisi d’apprendre l’ébénisterie pour mon intérêt pour le design de mobilier. Mais j’aurai pu tout aussi bien apprendre la tapisserie, apprendre la sculpture, apprendre la céramique. Car ce que j’aime, c’est le résultat, la forme qu’offre la matière une fois travaillée. Ce qui m’émerveille c’est cette capacité, ce don que possèdent certains de travailler de leurs mains une matière et de lui donner une forme. Une forme au sein d’une matière qui proposera finalement un usage.

Mon projet de l’année cherche à valoriser ce don que possèdent les artisans sur un territoire. Valoriser pour mieux connaître. Valoriser pour posséder d’avantage. Mon projet de l’année cherche à savoir comment moi designer, je peux aider à augmenter l’intérêt de tous pour les savoir-faire et les objets qui en découlent.

Et faute de pouvoir apprendre à maîtriser tous les savoir-faire, je tiens à les rendre plus visibles. Je souhaite collaborer avec des artisans afin créer des objets issus de ses savoir-faire.

Pour ce projet, j’ai choisi comme terrain de travail et d’expérimentation les ateliers des artisans. Mon travail reposera dans un premier temps sur la rencontre d’artisans, de designers et d’usagers.

La question de l’intérêt des uns pour les autres. La vision de leur métier, la vision de leur production et l’affection pour les objets possédés. J’étudierai les collaborations existantes et mènerai une expérimentation personnelle de la matière.

Dans un second temps et sur la base d’un cahier des charges, je proposerai à quelques artisans de mener un projet commun autour d’un usage. Je ne me limiterai pas aux artisans d’art mais je m’intéresserai également aux artisans du bâtiment.

Dans un dernier temps, je ferai le bilan de ces collaborations, des relations entretenues, des projets menés et des histoires commencées. J’irai à la rencontre de l’usager et du nouvel objet dont il se sera doté.

 

 

 

 

Silence(s)

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Je n’oublie pas mes séjours à Ia mer en Turquie, remplis d’émotions. Lorsque je me retrouve face à elle, je suis envahi de sensations particulières ; la détente, l’excitation, la mélancolie, la paix. La question des sensations est essentielle pour moi dans un lieu. Ces moments vécus permettent d’ancrer des souvenirs. C’est un moment de détente imposé, d’échappatoire. La vue que m’offre ce paysage me permet de laisser échapper mon esprit. Le vent qui souffle me donne des frisons et l’odeur de la mer me réchauffe. Je regarde la ville de loin et imagine l’excitation qui y règne. Mais à cet instant, c’est le calme qui est présent autour de moi. Le silence me fait réfléchir. Je contemple ce qui s’offre à moi. Mes oreilles ne m’envoient plus de sons. Je suis comme déconnecté. L’odeur de la mer, de la verdure, de la nourriture procure des sensations qui mettent mon corps et mon esprit dans une disposition agréable.

Pour mon projet d’étude, je me consacre aux environnements architecturaux qui nous entourent par les ambiances et les atmosphères qui composent un lieu. Mon objectif est de transmettre des émotions et des sensations aux usagers de cet espace. Je souhaite travailler la question d’exception (luxe, singularité) et la façon de lui donner accès.
 Je me focalise sur le bien-être psychique et corporel que j’entrevoie comme une forme d’exception, que d’autres pointent comme des résistances, dans les sociétés contemporaines. Afin de faire émerger cet espace émotionnel, je concevrai un hammam en réfléchissant aux matériaux qui constitueront ce lieu.

Je questionnerai les composants des bains turcs ainsi que ses origines, la culture des bains en Alsace. La confrontation du corps aux matériaux me permettra de comprendre comment le corps est affecté par une matière.

 

La promenade sensible m’a apporté une réflexion sur le rapport au corps. En effet, évoluer dans un espace en supprimant un sens, permet au corps de se recentrer sur soi-même. Mais, l’esprit réagit aussi aux perturbations environnantes. J’ai le souvenir d’avoir été réactif aux différents bruits qui ont accompagné ma visite. J’ai été plus attentif à ce qui se passait autour de moi. J’ai eu l’impression d’avoir des capteurs autour de ma tête qui recevaient tous les sons des alentours. Le frottement des cailloux sur lesquels je marchais, les sifflements des roues de vélos, le moteur des voitures que j’ai eu l’impression de percuter lorsqu’elles passaient à mes côtés, les vagues de l’eau qui cognaient le mur… J’ai ressenti également à travers mes paupières les lumières. Celles-ci m’ont procuré une sensation d’oppression lorsque nous étions entre les bâtiments. Je sentais la lumière s’atténuer et avais la sensation qu’un plafond était suspendu au-dessus de ma tête. Il y a eu aussi le noir, qui recouvrait mes yeux lorsque nous nous sommes arrêtés sous un pont. Puis, la lumière totale avec le soleil qui se plaquait sur mon visage. J’ai bien saisi ce contraste entre l’obscurité et la lumière. J’ai ressenti des séquences selon notre évolution dans l’espace, comme si nous changions d’ambiances. J’ai apprécié les textures des murs par le biais d’autres sens. L’effleurement des pierres me laissait imaginer la froideur de celles-ci. Lorsque j’ai appréhendé ces éléments les yeux fermés, je les ai appréciés davantage. J’ai remarqué que je n’avais pas besoin de voir ces choses car mon imagination me satisfaisait. J’ai également été séduit par les différentes sensations que les sens procurent; le toucher apporte autre chose que l’ouïe et la vue. A un moment, je me suis rendu compte que mon esprit s’évadait car je réfléchissais à d’autres choses; j’étais donc plus en confiance. J’ai aussi ressenti le vent qui, lorsque nous étions entre les immeubles, me caressait le nez mais qui, arrivé au bord de l’eau, devenait plus froid et plus constant.