Atelier Outillé

Objectifs

L’atelier outillé constitue une première étape pour établir des liens avec de potentiels partenaires. L’objectif de mon outil est d’appréhender la représentation qu’un enfant issu de la ville de Strasbourg peut avoir de ce qu’est la forêt. Il s’agit de faire émerger l’imaginaire des enfants en leur donnant la possibilité de créer des éléments fictifs avec des formes abstraites. L’outil offre également la possibilité d’identifier les émotions que ce milieu suscite chez les enfants, offrant ainsi une meilleure compréhension du lien qu’ils entretiennent avec la forêt.

Lieu

Le Centre d’initiation à la nature et à l’environnement (CINE) dont l’aire d’influence s’étend à toute l’Eurométropole de Strasbourg, réalise des actions de sensibilisation et propose des activités pédagogiques à destination des enfants sur la découverte de la nature et sur diverses problématiques environnementales. J’ai réalisé l’un de mes stages, durant une semaine, au CINE au mois d’octobre 2023, dans le but d’observer leur démarche d’accueil de loisir. Suite à ce stage, j’ai eu la possibilité d’y proposer un atelier outillé le mercredi 20 décembre. Au centre, la journée du mercredi est dédiée au Club Nature pour les enfants de 7 à 10 ans. Ce Club Nature propose aux enfants de se promener dans la forêt, le parc et le jardin alentour, mais aussi d’aller à la rencontre des animaux et des insectes, d’apprendre le chant des oiseaux, de construire des cabanes, de jardiner, de cuisiner, etc. L’atelier s’est déroulé vers 14H30, à l’arrivée des 5 enfants présents pour le Club Nature. J’étais accompagné par l’animateur nature, Achille Bohner jusqu’à la fin de mon atelier outillé à 16h. 

Posture du designer 

Lors de cet atelier, j’interagis oralement avec les enfants pour déclencher des souvenirs, des sensations, des anecdotes. Au-delà de la manipulation de l’outil, l’atelier engage un moment de discussion avec les enfants et permet la récolte de paroles. Mon but n’est pas d’interroger les enfants sur un niveau de connaissance de la forêt, mais d’ouvrir la discussion sur leur représentation de ce milieu. 

Matériel 

J’ai choisi de réaliser mon outil à partir de panneaux de fibres de bois (MDF) pour créer des éléments faciles à manier pour les enfants. Après avoir réalisé des prototypes en papier, puis en carton, j’ai opté pour le MDF en raison de sa solidité. Ce matériau est peu écologique, mais il est plus économique que du bois naturel ou même du contreplaqué en peuplier. La découpe laser permet de découper la matière de manière rapide et précise, ce qui permet d’obtenir une finition de qualité et aboutie. Par ailleurs, la découpe laser permet de créer facilement des formes présentant des encoches qui facilitent l’assemblage des formes, permettant de les positionner verticalement afin de créer un paysage. Les formes et les couleurs de ces éléments ont été choisies en fonction de l’émotion que je souhaitais transmettre.

Déroulement de la séance 

J’ai fait le choix de ne pas faire l’atelier dans la forêt, car le but n’est pas que les enfants reproduisent ce qu’ils voient autour d’eux. Nous avons pris place dans l’une des salles du CINE, où des tables et des chaises adaptées à la taille des enfants sont disposées. L’ambiance dans la pièce du centre est très calme en raison du faible nombre d’enfants présents. L’atmosphère paisible permet aux enfants d’être très à l’écoute. Une fois installés autour d’une table, je demande à chaque enfant d’exprimer, à travers un mot à l’écrit sur papier, quelle émotion leur procure la forêt. Selon cette réponse, je distribue les éléments en MDF correspondant à l’émotion choisie, pour construire leur forêt imaginaire. 

Parmi les trois choix disponibles, seuls deux sont employés. Sur 5 enfants, 4 choisissent les éléments symbolisant l’apaisement, car en forêt ils se sentent calmes (Barnabé et Jasmine) ou tout simplement bien (Marie-Rose et Marion). Un seul enfant utilise les éléments évoquant la joie, car en forêt il se sent libre (Théodore). En revanche, les éléments matérialisant la peur ne sont pas utilisés. En effet, personne n’exprime de crainte vis-à-vis de la forêt. Barnabé dit même qu’il n’a pas peur de la forêt en pleine nuit, il la préfère même dans le noir, car il y a moins de monde et que c’est plus paisible. Malgré tout, il évoque qu’il déteste le bruit du vent qui siffle dans les arbres. La notion d’apaisement est revenue lorsqu’il parle de sa forêt imaginaire : il a créé un arbre dans lequel on pourrait entrer pour voir des insectes et des plantes et aussi pour pouvoir se reposer dans un espace zen et relax. Jasmine ne réussit pas à mettre de mots sur sa forêt imaginaire, mais elle me confie qu’elle ne va pas souvent en forêt, pourtant elle s’y sent calme grâce aux arbres qu’elle voit. Quant à Marie-Rose, elle représente un arc-en-ciel et des cabanes qu’elle aime construire, dans lesquels elle s’amuse à jouer aux Indiens. Au CINE, elle se sent libre de courir partout, de grimper dans les arbres (leur animateur a nommé cela de la “grimpologie”), et même de se mettre du charbon sur le visage. Elle me confie également que ses frères et sœurs n’aiment pas passer du temps dans la forêt comme elle, mais qu’ils ne sont pas encore inscrits au centre. Marion apprécie également de grimper dans les arbres et explorer la forêt, mais elle ne représente que des arbres et des papillons. Enfin, Théodore évoque seulement des plantes dans sa forêt imaginaire et dit aimer se retrouver seul dans la forêt pour s’y sentir libre

Pendant l’atelier, les cinq enfants abordent des sujets de manière indépendante, c’est-à-dire qu’ils le font de leur propre initiative et sans nécessiter une direction ou une intervention extérieure de ma part ou de celle de l’animateur. Pour eux, les éléments peints en noir évoquent la pollution. Ils ont exprimé leur crainte qu’il n’y ait plus de milieu forestier dans quelques années, notamment à cause de la déforestation : les forêts sont souvent rasées pour faire un parking ou une zone commerciale. D’après cet échange, je peux constater que les participants ont une certaine compréhension des problèmes environnementaux.

Documentation 

Afin de recueillir les expressions des enfants durant l’atelier, j’ai pris des notes manuscrites. J’ai également pris des photos, pendant et après leur réalisation, pour garder une trace de leurs réponses. 

Analyse 

Les enfants montrent de l’intérêt pour l’atelier, mais témoignent d’une certaine hésitation à exprimer leurs opinions. De plus, ils ont du mal à poser des mots sur ce qu’ils ressentent et sur ce qu’évoque la forêt. En effet, à cet âge, les enfants semblent avoir des difficultés à exprimer une émotion ou un ressenti sur une projection, c’est pourquoi les émotions qu’ils ont inscrites sur papier ne sont pas variées, voire évasives. Il est préférable de leur présenter une liste de mots, afin de leur montrer un panel d’émotions possibles. L’autre possibilité serait de les amener directement dans la forêt pour qu’ils puissent exprimer leur ressenti sur le moment présent. L’analyse des constats liée aux comportements des enfants s’en trouverait enrichie et affinée. Il semble que l’approche par les sens et l’expérience concrète par les enfants sont particulièrement pertinentes pour la suite. 

Constat 

Grâce à cet atelier outillé, j’ai pu me rendre compte que les représentations de la forêt par les enfants du CINE sont différentes de celles de l’imaginaire collectif. Les participants étaient des enfants de 6 à 11 ans, inscrits pour participer aux activités du Club Nature chaque mercredi. Cela signifie que ces jeunes côtoient régulièrement le milieu forestier. De plus, le fait qu’ils aient des parents qui les inscrivent au CINE signifie que les enfants proviennent d’un milieu social particulier, ce qui joue sans doute un rôle dans leur représentation. J’ai pu apercevoir que certains sont même conscients et inquiets de l’impact que peuvent avoir nos demandes sociétales (besoin de nouveaux parkings par exemple) sur le milieu forestier. Bien que certains enfants aient lié leur bien-être dans la forêt avec la possibilité de se retrouver plus isolé qu’en ville, les autres ont attaché ce ressenti avec leurs loisirs, tandis que le restant n’a pas su me l’expliquer. Des outils que s’approprient les enfants sur le terrain dans leur milieu forestier afin de comprendre les intérêts de toutes les entités vivantes, pour passer au second plan les logiques instrumentales de la biodiversité pourraient être envisagés dans le cadre de ma recherche-projet.