Projet Désirs de Ville

Intentions de projet

Suite à mon mémoire sur la réappropriation de l’espace public par les habitants, il semble que faire participer les habitants permet d’augmenter le pouvoir d’agir et conduit à une réappropriation du territoire. C’est cette hypothèse que je compte vérifier avec mon projet de diplôme. 

Ma première piste a été d’affirmer qu’une réappropriation de la ville par les habitants passe par la rassemblement de plusieurs générations autour d’un projet participatif en lien avec le territoire. Je pensais donc m’orienter vers des outils du type carte collaborative pour confronter les différents vécus des habitants d’un même quartier, des ateliers pour collecter les visions subjectives de chacun, ou encore des déambulations et des visites guidées de la ville faites par les habitants.

Visuel donnant à voir mes premières intentions de projet

 

Partenariat et changement de trajectoire

Cependant, mon choix de travailler en partenariat avec la Maison du Jeune Citoyen a donné une autre orientation à mon projet. La MJC travaille en lien avec le service enfance et jeunesse de la ville de Schiltigheim et ils m’ont rapidement fait part de leur besoin de récolter et donner à voir la parole des jeunes schilikois pour que celle-ci se diffuse dans leurs pratiques, afin que de réels changements puissent voir le jour. J’ai donc dû m’adapter à cette nouvelle demande : il ne s’agit plus de créer un outil qui réunit les générations. 

Ma seconde piste a donc été qu’une réappropriation de la ville par les habitants passe par la collecte et la prise en compte de la parole de ceux qui l’habite

 

Déroulé du projet et premières expérimentations

Dès lors, je me suis concentré principalement sur le public jeune, âgé de 11 à 25 ans. La première étape a été une phase de concertation, afin d’identifier sur quels sujets les jeunes ont besoin de s’exprimer par le biais de cet outil, mais également où et quand il est possible de les rencontrer.

Après concertation avec les partenaires jeunesse de la ville, ainsi que les jeunes eux-même, ma première intervention en tant que designer a été l’expérimentation de deux outils afin de répondre à ces questionnements. 

Pour aboutir au premier prototype, ma réflexion s’est basée sur un moyen de visualiser quantitativement les sujets qui importent le plus les jeunes et sur lesquels ils aimeraient s’exprimer davantage et voir du changement. Différentes thématiques ont été proposées pour déclencher une réflexion et un cercle est représenté sur un support papier; l’objectif étant de reprendre le principe du “camembert” en data visualisation. Après un test du prototype, c’est plutôt une discussion collective qui s’est installée, l’outil n’a pas fonctionné comme je le souhaitais. Les réponses obtenues étaient souvent très générales et pas liées à Schiltigheim. J’ai compris que c’est la question du changement qui semblait trop directe pour les jeunes et la MJC m’a suggéré de proposer une entrée par le vécu, l’histoire personnelle.

Test de l’outil “Quoi?” (version 1)

 

Améliorations et traitements des données

Suite à cela, j’ai réalisé un second test. Pour obtenir des données plus pertinentes, j’ai crée deux catégories de cartes : celles qui abordent le présent, le ressentis, les habitudes actuelles des jeunes par rapport à leur vécu dans la ville et celles qui abordent le futur, les changements qu’ils aimeraient voir apparaître en lien avec ce qui existe déjà ou ce qu’ils font déjà. Le support en carton avec les catégories de lieux est là pour obliger à un ancrage dans le territoire, car les jeunes pensaient à un lieu en complétant leurs cartes. Après test de l’outil, les différents débuts de phrases présents sur les cartes ont permis des amorces de réflexion intéressantes sur ce qui pourrait être amélioré. 

Test de l’outil “Quoi?” (version2) avec les collégiens du collège Rouget de Lisle de Schiltigheim 

 

Le deuxième outil est une carte de la ville imprimée sur laquelle les principaux lieux de Schiltigheim sont inscrits. L’objectif pour les jeunes était de m’indiquer les lieux qu’ils fréquentent, mais également le jour, le moment de la journée et la fréquence à l’aide des autocollants. Cet outil a fonctionné comme souhaité.

Test de l’outil “Où?”

 

Suite à toutes ces données, j’ai réalisé des data-visualisation, afin d’avoir un aperçu rapide des tendances suivant les âges. A propos des thématiques, il apparaît que le sujet d’un espace pour les jeunes est parmi les plus importants pour les deux tranches d’âges. C’est cette thématique que j’ai décidé d’approfondir avec un nouvel outil itinérant.

Data-visualisation des thématiques les plus importantes selon les jeunes

 

Data-visualisation des lieux fréquentés par les jeunes à Schiltigheim

 

Prototype de l’outil itinérant Désirs de Ville

Placé sur un vélo cargo, l’outil “Désirs de Ville” permet d’aller à la rencontre des jeunes dans l’espace public. Le kit se compose de pictogrammes en plexiglas afin de questionner les jeunes sur les activités/besoins qu’ils ont vis-à- vis de ce nouvel espace. Il y aussi, des rectangles de tissus qui servent de support a les faire imaginer le sol de leur espace, ainsi que des volumes en bois. Pour garder trace de l’atelier, un enregistrement sonore est effectué et les jeunes retranscrivent leurs choix sur les cartes A5.

Prototype de l’outil itinérant “Désirs de Ville”placé sur un vélo cargo

 

Ainsi, cet atelier a permis d’avoir un aperçu général :

  • des besoins/envies des jeunes en lien avec cet espace 
  • des différentes zones qu’ils imaginent dans leur espace
  • du type d’endroit dans le ville où il pourrait se situer
  • de quand cet espace serait utilisé
  • de comment ils imaginent sa maintenance

L’outil a bien fonctionné pour enclencher l’imaginaire des jeunes et les amener à se projeter. Cependant, afin d’amener une réflexion plus approfondie sur la mise en place concrète de cet espace, il pourrait être intéressant de les faire développer un scénario en partant par exemple d’un besoin ou d’une activité. Même s’ils ont pu commencer a se projeter avec ce premier outil, il serait pertinent de les faire réaliser la complexité de la mise a disposition d’un espace, sa gestion et son entretien,… En effet, n’oublions pas l’objectif en arrière-plan qui est que cette parole soit prise en compte. Cela passe par des outils qui permettent une participation active des jeunes en les plaçant en tant qu’acteurs tout le long du projet ; ils deviennent ainsi plus conscient de ce qui est réalisable, comment et se responsabilise. C’est le principe même de la démocratie participative : permettre des changements locaux qui répondent a des besoins identifiés par les habitants en les impliquant activement au projet.

 

Conclusion

Ce partenariat avec la Maison du Jeune Citoyen à Schiltigheim m’a permis d’avoir une première expérience avec une institution en tant que designer. Il a fallut que je m’adapte à une demande et ses contraintes, car le projet était prévu avant que j’intervienne. Ce partenariat a nécessité beaucoup de communication, de compréhension mutuelle et de remise en question de mes idées. J’ai pu constaté le système de gouvernance très hiérarchisé d’une telle structure, où chaque modification apporté au projet doit être validé par plusieurs personnes. Finalement mener ce projet avec la MJC a été l’occasion pour moi de me mettre dans la peau d’un designer professionnel, qui répond à une demande, un besoin identifié.

Pour conclure, le designer peut intervenir dans un projet participatif en lien avec le territoire en récoltant un avis, une parole; en donnant à voir cette matière récoltée pour la rendre accessible, mais également en accompagnant à une prise de pouvoir des habitants. En effet, il ne s’agit pas de construire le projet à la place des habitants, mais de leur fournir des outils qui les accompagnent dans la concrétisation de leurs idées. C’est ce que j’ai tenté de faire avec cette étape de co-création dans mon projet qui a donné une certaine orientation au projet. Ainsi, en permettant aux jeunes de formuler leurs idées vis-à-vis du projet, ce sont des besoins concrets qui ressortent et le projet n’est ainsi pas pensé comme une chose finie; il évolue en fonction de cela.