Maille décision

Aie aie aie a écouté et entendu les hautepierrois parler de leur quartier, les manques, les besoins et les envies de chacun ont été repertorié. Nous réfléchissons maintenant dont nous pouvons agir, que peut-on faire pour ramener de la lumière dans ce quartier ?

Maille - aieaieaie

 

RENCONTRE
Les mailles manquent cruellement de lieux et d’infrastructures dédiées à la rencontre et la pause. Il n’y a même pas d’assises publics dans les centres piétons des mailles. Les espaces sont pensés pour les enfants, il y a énormément de jeux et d’activité organisée pour eux, mais rien pour les autres tranches d’âges. Ainsi les jeunes, les adultes et les personnes âgées ne se rencontrent pas, il s’ennuient et se murent dans leur solitude.

COMMERCE
À l’unanimité les habitants de Hautepierre dénonce le manque de commerces de proximité, les deux seuls supermarchés sont le Lidle et le Auchan de la maille Anne. Pour faire de petites courses les habitants sont contraint de se déplacer jusqu’à la maille Anne, mais ce n’est pas pour autant un lieux de rencontre. C’est un lieux de flux et d’activité, les gens passent et repassent, c’est aussi le lieux de prédilection des vendeurs de légumes à la sauvette et du marché. Toute l’activité commerçante est concentré dans la même maille, créant des conflits entre le marché et les grandes entreprises.

CULTURE
Les résidents des mailles apprécient toutes les activités qui leur sont proposés, mais ils aiment encore plus quand ils peuvent participer. Agir dans leur quartier est pour eux un privilège et un loisir. Ils admirent et affectionnent le travail réalisé par l’association Horizome sur la place Érasme dans la maille Éléonore.

Diagramme

Toutes ces discussions nous ont amener à réfléchir à un dispositif de rencontre et de commerce itinérant, sur un système participatif de troc où un service équivaut à une unité, échangeable contre des denrées produites et récoltées dans les jardins partagés, des boissons chaudes ou une part de plat préparé par un adhérent. Pour le bon fonctionnement de notre projet collectif aie aie aie s’engage à respecter ces principes : tenir compte de la demande des habitants, partager la conception, partager la gestion et le fonctionnement du projet, créer un(des) lieu(x) de rencontre permettant de tisser des liens sociaux contre le repli et l’isolement, et enfin concevoir un espace résultant de la mixité sociale du quartier, reflétant le caractère des habitants.

Investir les mailles

Le café/épicerie itinérant a besoin d’ espaces où s’implanter régulièrement pour bien fonctionner. Armé de nos cartes, appareil photo, et crayons, nous explorons en profondeur tous les recoins des mailles. Nous décidons d’investir 4 mailles : Karine, Catherine, Jacqueline, et Éléonore, ce sont les mailles les plus démunies. Elles ne sont pas dotées de mobiliers urbains ou de jeux, des aménagements ont bel et bien été réalisé mais ils sont tous anciens ou ne correspondent pas aux attentes des habitants. Avoir un évènement régulier dans les différentes mailles va inciter les résidents à se déplacer et à se rencontrer au sein même de leur quartier, de plus la régularité permet d’instaurer des habitudes de réellement intégrer le projet dans la vie de quartier.

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Nous avons choisi des endroits à l’intérieur des mailles, vides, spacieux et facile d’accès  pour implanter notre projet. Ce sont des places centrales avec un semblant d’aménagements publics, type banc, ou faux relief, plus ou moins toutes à proximité du potager partagé que contient chaque maille.

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Dans la maille Éléonore nous investissons une place au 12 boulevard de la fontaine. C’est une place piétonne, totalement vide excepté un banc solitaire. Elle est caractérisée par ce relief artificiel en béton apparement peu utilisé. Aie aie aie se rend vite compte que cet espace a un potentiel inexploité. Possédant un accès à la route nous pourrions facilement installé notre structure, de plus cet espace est un lieu de passage, offrant ainsi au projet un positionnement tactique.

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Catherine nous offre une place immense et vide, uniquement meublé par trois bancs/rochers. La place Flaubert longe une route et se situe juste derrière « le gallet » une salle de l’association la « maison de hautepierre », cette proximité peut apporter des clients à notre projet, mais peut aussi nous cacher. Cependant cette place est très souvent occupée

croquis-4La place Alfred de Musset chez Karine offre une fois encore un grand espace à investir. Mais, contrairement aux deux précédentes, elle est dotée de plus de mobiliers urbains, il serait peut être alors possible de se servir, de se greffer sur ce qui existe déjà. Cette place borde notamment une route, facilitant son accès, et un poulailler et une ruche où nous pourrions récolter des denrées à re-vendre.

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Place Byron, maille Jacqueline, nous nous confrontons à un désert sec. Beaucoup moins de verdure que dans les autres espaces, mais c’est aussi la place la plus grande. Elle est desservie par un accès voiture, et se situe entre le jardin partagé, l’école élémentaire et la maternelle. Ce positionnement induit une certaine routine de fréquentation rythmé par les horaires scolaires. Pour quoi ne pas prendre son gouter avec aie aie aie ?

Notre exploration terminée, nos lieux d’investigations définis, nous rentrons fatigués mais motivé pour poursuivre nos idées, nous nous posons maintenant la question de l’organisation du café/épicerie participatif de Hautepierre.

 

 

 

 

OUh-Ah-OUh Nous voilà sur le terrain pour collecter les informations de vie des habitants de Hautepierre ! Armés de cartes (l’une de Strasbourg Nord-Ouest, l’autre de toutes les mailles de Hautepierre), d’une maquette simplifiée de maille avec des objets à placer dedans (végétation, bâtiments de couleur selon la fonction voulue), et d’un outil-horloge, nous nous installons près de la mairie de quartier.

 

 

L’intuition de se placer près du seul centre commercial à plusieurs kilomètres à la ronde s’avère payante : après un repas à l’association du théâtre du Maillon, nous constatons le flux incessant d’habitants de Hautepierre sur le seul itinéraire piéton. Entre deux vendeurs à la sauvette de fruits & légumes, nous intriguons les passants: rapidement, les contacts que nous créons nous livrent un constat commun. Il n’y en a que pour Auchan ! Auchan par-ci, Auchan par là, « mais il n’y a pas d’épicerie, pas un boucher, pas une pâtisserie » nous livre Rolland, 75 ans. Et Mourad (34ans) de concert : « le dernier snack qui a ouvert, le lendemain ils (les autorités) ont mis des plaques en fer pour le fermer ».  Nous mesurons alors le manque cruel provoqué par l’absence de commerces de proximité, maille par maille : tout le monde doit « faire des kilomètres pour aller chercher une baguette ou du sucre » (Odette, 63ans, maille Karine).

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Pour les plus jeunes, les arguments sont divers : Tams (17ans) nous dira que c’est « des bancs, dont on a besoin ! Et aussi moins de lumière, un lampadaire ça suffit ! » (maille Jacqueline). Du même quartier, Tahir (5ans) et Amir (14 ans) demandent plus d’activités au centre social, alors que Matthieu et Imen (15ans) de la maille Karine voudraient bien un petit terrain synthétique. Zina (14ans, maille Catherine) nous dit « qu’un Starbuck et un macdo, ce serait bien ». Les points de rencontre sont trop peu présents, commerciaux ou non, et le besoin que chaque maille dispose des mêmes atouts se fait grandement ressentir.
Nadia, 50ans, habitant entre la maille Anne et les Poteries au Sud et vendeuse officieuse de pains artisanaux, nous fait part de sa réalité : « il n’y a pas d’épicerie où je pourrai mettre en dépôt-vente mes pains, il n’y a que là (elle nous montre un des vendeurs à la sauvette) que je peux les vendre ». Une nécessité de mise en commun des forces des habitants, par une association ou une coopérative se dessine peu à peu. Il n’y a ni structure ni autorisation pour subsister, ou faire de l’ombre à Auchan selon l’avis.

 

 

Jacqueline, Catherine, Denise, ce ne sont pas les noms des grands-mères d’Aie Aie Aie, mais bien les noms des « mailles résidentielles » de Hautepierre. Vision d’un architecte utopiste, Pierre Vivien, des immeubles, pavillons et logements sociaux construits dans les années 70 se répartissent à l’intérieur de vastes hexagones. Nous portons d’abord une attention particulière pour la maille « Hautepierre » qui contient l’hôpital et la maille « Plaine des jeux » qui abrite un parc et différents aménagements sportifs. Interpellés par ce fonctionnement de quartier, nous nous rendons sur les lieux afin d’observer avec curiosité ces petits nids d’abeilles.

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Nous allons premièrement chez Jacqueline, la maille qui borde celle de la plaine des jeux, une douve de parkings nous sépare alors d’un rempart d’immeubles. Un peu effrayés au premier abord, nous prenons notre courage à deux mains et pénétrons la forteresse. Encore des parkings à l’intérieur, ici domine la voiture; nous nous enfonçons dans l’hexagone et à notre grande surprise nous découvrons une VRAIE vie de quartier. En contraste avec les immeubles rigides, froids et « prêts à utiliser » se présente à nous une vie de quartier active et relativement autonome, presque communautaire. Au centre et entourés par les immeubles, nous découvrons des espaces verts, des aires de jeux improvisées, des lieux d’interaction ponctuels pour les habitants, notamment à la sortie de l’école.
Les parents échangent, les enfants jouent et surveillent leurs précieuses plantations dans le «jardin mélangé» qu’ils ont créé avec la dîte école. Des jeunes gens se rassemblent, mais ne savent pas vraiment où se placer: entre les parents ? Les enfants ? Prise de conscience pour le collectif Aie Aie Aie, fêtards de jour comme de nuit, à la recherche d’un endroit pour prendre une pause : mais où sont les bars? C’est alors que se pose la question des lieux de rencontre proposés aux habitants. Réponse? Spontanément: Aucun, les quartiers sont conçus pour optimiser la circulation des flux avec toutes ces barrières et espaces publics cloisonnés, vierges de mobilier urbain permettant de se retrouver ou se poser par exemple.

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À la recherche d’explications sur ce manque crucial de lieux de vie, d’échange et beuverie, nous rencontrons de nombreuses affiches/flyers annonçant des évènements socio-culturels proposés par la Maison de Hautepierre. A l’initiative de la mairie, ce centre culturel et social offre aux habitants de Hautepierre des activités définies pour plusieurs tranches d’âge, et de différentes natures. On retrouve des ateliers théâtre et musique pour les enfants, des cours de français pour les adultes en difficulté, et autres lotos et repas de quartier. Mais c’est au contact des habitants et de l’association de quartier Horizome qu’une réalité toute autre nous est montrée sur l’impact réel de ce lieu sur l’ensemble de la vie de quartier, toutes générations confondues.

 

Rencontres

En quête de lumière sur les besoins réels des habitants, nous interrogeons l’association de quartier Horizome, située dans la maille Jacqueline. Le constat est partagé: s’il y a bien une question qui persiste, sensiblement évitée par la mairie et la Maison de Hautepierre, c’est celle du stationnement à l’échelle humaine, du piéton précisément.

Un coup de sonnette et un étage plus haut, nous voilà arriver dans l’appartement-bureaux de Horizome, collectif qui cherche à dynamiser le quartier de Hautepierre à travers des démarches transdiciplinaires pour permettre aux habitants de se réapproprier la ville. Quatres personnes nous accueillent dont, à notre étonnement, un étudiant dans notre établisssement en stage dans l’association.

Tous autour d’une table, nous questionnons l’association Horizome sur le fonctionnement du quartier, son histoire et ses habitants. Divers sujets sont évoqués, dont l’un d’eux qui retient particulièrement notre attention : la «errance» dans le quartier.

L’association explique que les hautepierriens sont à la recherche d’une identité de quartier et n’hésitent pas à participer à des ateliers, des chantiers, qui leur permettent de réinvestir l’espace public, LEUR espace public, et qu’il règne un certain respect pour ce qui a été mis en place par les habitants. En effet, aucune dégradation n’a été relevée au niveau des créations réalisées lors des ateliers au sein de l’espace public.

Les mailles de Hautepierre, exclusivement piétonne -chose appreciée des habitants-, permettent une certaine protection pour ceux vivant à l’intérieur, une sécurité bienvenue lorsque leurs enfants souhaitent jouer dehors entre voisins. Mais un problème persiste aux yeux de ses habitants : les squats des jeunes adultes, autrement dit le regroupement de personnes dans la soirée qui est alors perçu comme une nuisance pour les familles et les personnes âgées. Les aménagements urbains ont donc été modifiés, voire supprimés à l’intérieur des mailles pour éviter la présence de jeunes gens (objectif qui a aussi été appliqué pour la Plaine des jeux qui, une fois la nuit tombée, est éclairé par aucun lampadaire).
On peut donc remarquer la volonté, de la part de la ville, du bien-être des familles et personnes âgées, mais, par ce fait, la mise dans l’ombre des jeunes du quartier.
Or, comment pourrions-nous lutter contre l’isolement social, l’enclavement des habitants dans leur logement, si on leur supprime tout outil de vie, de communication?

Pourtant, cette partie des habitants fait intégralement partie du quartier, et, comme tous les habitants de Hautepierre, est elle aussi à la recherche d’un endroit où ils se sentiraient chez eux, fiers de leur lieu de vie.
Ainsi donc, comment investir l’espace public pour que chaque catégorie d’habitants puissent s’approprier son quartier, l’investir de jour comme de nuit?
Comment rendre praticable l’usage du quartier des mailles de Hautepierre, dans la limite des libertés et du respect de chacun ?

Pour aborder ces problèmes de vie de quartier avec les habitants, nous avons conçu des outils ludiques qui nous permettront ainsi d’avancer dans notre questionnement.
Nous présentons alors aux habitants deux cartes : l’une, à l’échelle de la ville de Strasbourg, nous permettant de repérer, à l’aide de gommettes, quels lieux sont les plus fréquentés par les habitants de Hautepierre ; et l’autre, à l’échelle des mailles de Hautepierre, qui va nous permettre de voir la relation qu’entretienne les habitants avec leur quartier, leur maille. En accompagnement, nous proposons aux habitants un plateau de jeu sous forme de maille-type où l’usager a la possibilité d’imaginer sa maille idéale, mais également d’imaginer un nouvel aménagement pour leur maille.

 

 

Fraîchement débarqués sur la planète In Situ Lab, trois apprentis designers entrent en communication : Elin, Reykjavikoise, spécialiste en Produit, Solène, Graphiste autochtone aux cheveux d’azur, et Jidé, l’agenais à l’accent chantant expert en Espace. Le collectif Aie Aie Aie (eye eye eye pour les anglophones) se forme; trois visions, trois champs d’action, un seul objectif : les Lumières et la ville,
Perception et usages.

 

Le secteur Nord de la ligne A du tramway strasbourgeois est notre lieu d’investigation, de la station Homme de Fer jusqu’à Parc des Sports. Nous commençons notre aventure par une première expédition en tramway afin de rejoindre le point le plus éloigné du centre. Munis d’un appareil photo, de carnets et d’un micro, nous décidons de procéder à une observation méticuleuse des usagers, du tramway et de ses environs. La ligne A file à travers la ville hyperactive et s’enfonce soudainement dans un tunnel pour desservir la gare centrale. À sa sortie, un autre monde, plus calme. Le wagon défile devant plusieurs « mailles urbaines », chacune caractérisée par une activité : zone loisir, industrielle, résidentielle, commerciale, mais aussi médicale ou religieuse. Les deux lieux de passages que forment la gare routière (arrêt Rotonde) et la gare ferroviaire (arrêt gare centrale) sont de véritables marqueurs du bond entre le centre et la périphérie.
Le tramway est un lieu à la fois de transition mais aussi de connections entre ces deux univers.

 

Quand à la lumière ?

De jour, au centre ville, la lumière naturelle est contrainte par la verticalité des bâtiments, et par des installations architecturales comme le puits de lumière à l’arrêt Gare Centrale ou homme de fer. Le paysage architectural étant de moins en moins dense à l’approche du terminus, la lumière diurne évolue et est
plus libre
.

Aie aie aie décide d’entreprendre une escapade nocturne pour devenir intime avec sa zone et en connaître toutes les facettes. Nous remarquons alors qu’au sein des lieux pavillonnaires ou résidentielles, la lumière artificielle délimite les espaces et met en valeur leur fonction : parcours cyclable/piéton, habitations, commerces ou encore panneau publicitaire. Contrairement au centre-ville où la lumière est alors omniprésente, sa fonction devient plus vague, les enseignes se confondent avec les panneaux d’informations : des lampadaires nous guident dans des parkings sombres, tandis que les ruelles touristique s’effacent dans l’obscurité. N’y aurait-il pas un équilibre lumineux
à créer ?

Mais c’est finalement de nuit que nous discernons des encarts rétro-éclairés affichant des extraits
de romans, poèmes et définitions sur du mobilier urbain de la CTS (compagnie de transport strasbourgeois).
Le savoir et la culture sont d’autres interprétations de la lumière
, c’est ainsi que nous découvrons d’autres installations culturelles. La fresque « l’empathie peut sauver le monde » à l’arrêt gare centrale, la sculpture
et le mémorial de l’Ancienne Synagogue aux Halles. Pour quoi sommes-nous passé à cotés de ces aménagements culturels ? Tout simplement de jour il n’y a aucune information concernant de tel structure/sculpture, elles ne sont indiquées nul part ni même mise en valeur. Et enfin de nuit les panneaux publicitaires Decaux projette une lumière si intensequ’ils deviennent de réels concurrents lumineux (et que nous pourrions facilement jouer à la belote). Cette pollution lumineuse ne pourrait-elle pas être remise en question ? (même si c’est cool la belote)

 

Comme nous nous y attendions, la périphérie Hautepierre est une partie de la ville dortoir. Il y a peu d’activités de jour et encore moins la nuit. Durant notre balade nocturne nous croisons quelques chats mais pas d’humains.
Il n’y a pas de lieux de vie noctambule, aucune lumière dans le parc et dans tout autres lieux qui serait susceptible d’accueillir de jeunes âmes allègres. La majorité des habitants dorment, certains s’adonnent à des activités qui paraissent louches dans l’obscurité et enfin les derniers fuient le quartier endormi pour la ville active et rayonnante.

 

« C’est cool de sortir en ville, rejoindre les potes au bar … »

 

Le tramway reste la seule anguille qui serpente vers la ville, l’activité, la lumière.