Genre en crèche t’as pas de stéréotypes

Quel est le but de l’atelier outillé dans ma recherche projet ? 

Cet atelier a été proposé dans le cadre de ma recherche-projet sur la question des stéréotypes de genre en crèche.

L’objectif de mon outil est de créer du contact et des discussions sur l’éducation non genrée en crèche. Il s’agit donc de récolter des anecdotes ou des expériences, ici, de la part du personnel de crèche. Le plus important est de leur laisser la possibilité de raconter des anecdotes qu’ils ont vécues ou qu’ils vivent actuellement.

Comment ? 

J’ai réalisé cet atelier avec une seule personne à la fois, mais il est envisageable de le faire avec plusieurs personnes. Pour cela, j’ai réalisé un outil qui prend la forme d’un tot bag avec à l’intérieur différents éléments. Les éléments représentent chacun des éléments de la crèche : une grande surface de tissus pour délimiter la surface de la salle de jeux, des plus petits éléments en feutrine crème représentant les jeux possiblement présents en crèche ainsi que des petits tapis de différentes couleurs et matières permettant à l’utilisateur de créer différents espaces au sein de la salle de jeux. 

Avec quels matériaux ? 

J’ai choisi de réaliser mon outil en tissu, car j’avais envie d’expérimenter ce matériau que je n’avais encore jamais utilisé dans un projet. C’était une occasion d’acquérir de nouvelles techniques et d’explorer de nouvelles perspectives créatives. Je pense que le choix de cette matière ainsi que l’utilisation de formes simples et enfantines, sont pertinents pour rappeler l’univers de la crèche assez réconfortant. De plus, les couleurs vives ont aussi été choisies pour rappeler l’ambiance coloré de la crèche, celles-ci ont donné envie à l’usager de manipuler les objets. J’ai eu un retour plutôt positif de la part des usagers sur mon outil, ils l’ont trouvé agréable à manipuler et ludique, ils se prenaient assez rapidement à l’atelier. 

Comment se déroule l’atelier ?

Au préalable, j’ai souhaité ne pas donner tout de suite l’entièreté de mon sujet de recherche, pour éviter d’influencer les réponses de mes interlocuteurs/trices. Aussi la thématique annoncée était donc simplement  un “mémoire qui portera sur les crèches”.

Pour commencer, je place le grand tissu représentant une salle de jeux devant la personne avec laquelle je souhaite discuter. Autour de ce tissu je place les jouets en feutrine d’un côté et les petits tapis colorés de l’autre. Ensuite je demande à la personne de commencer par positionner les petits tapis (quantité aux choix) sur la surface en lui demandant de délimiter des espaces de jeux, puis de placer les jouets sur la surface de la salle de jeux. Suite à cela, je lui demande d’expliquer ces choix à l’aide de différentes questions :  pourquoi telle couleur ? Quel enfant dans cette zone ? Ce qui me permet d’engager la conversation. Si aucun discours genré n’est formulé alors j’aborde le sujet, en commençant par demander l’âge des enfants qui jouent à tel et tel jeu, puis petit à petit en me recentrant sur des questions du type “Plutôt des filles ou des garçons dans cette zone?” La discussion plutôt large au début permet de mettre en confiance le personnel qui ne se sent pas jugé.

 

Ce qu’on peut retenir de l’atelier ? 

En ce qui concerne la forme et les matériaux utilisés, je constate que sa simplicité, permet différentes utilisations (parler directement d’une couleur/matière ou d’un jeu plutôt que de la salle de jeux) et que si on laisse la personne expliquer ses choix sans vraiment l’amener sur un sujet en particulier, les discussions sont toujours seront toujours très différentes selon le vécu de chacun. L’atelier a créé une atmosphère de confiance. Il est possible que l’utilisation d’un outil plus complexe aurait pu donner l’impression aux participants que leurs réponses n’étaient pas conformes aux attentes, suscitant ainsi un malaise ou une crainte de jugement.

Pour le sujet de ma question de recherche, je retiens que le personnel de la crèche dans laquelle j’ai fait mon atelier outillé (Schnipp Schnapp à Lingolsheim) est conscient que les stéréotypes de genre existent au sein du milieu de la petite enfance et au sein de leur structure. À la suite de mon atelier, je constate que cette crèche est particulièrement sensibilisée à cette question, cependant les informations recueillies restent pertinentes pour ma recherche.

Il m’a semblé pertinent pour ma recherche de présenter quelques verbatim collectés et de les analyser.

Lors de la discussion pendant l’atelier outillé, Angélique, responsable technique de la crèche, se questionne “Est-ce qu’inconsciemment on le fait ? On fait cette différence ?” (entre les filles et les garçons) Elle m’explique que parfois inconsciemment, elles peuvent avoir des comportements genrés, et essayent d’aller au-delà de ça au maximum, elle a même consciente que “même la manière dont tu parles peut influencer”, que le fait de genré n’est pas uniquement lié au matériel proposé aux enfants, d’ailleurs “ils jouent avec tout”. À la question : Pourquoi cette crèche-ci est elle moins impactée par les stéréotypes de genre que les autres, Angélique me répond que “c’est dû aux pros à l’intérieur” mais qu’elle a pu aussi côtoyé dans sa carrière “une professionnelle qui étaient très “filles-garçons”” elles tenaient des propos du genre “ah non une fille ça joue aux poupées, lâches ces voitures.”

Elle nous raconte aussi que certains parents ont déjà été réticents voire même en colère suite à l’éducation non genrée de cette crèche. “J’ai le souvenir d’une maman, son petit garçon avait pris un gant de toilette rose, et sa mère lui avait dit : Laisse ! C’est rose c’est pour les filles !” 

Un petit garçon aux cheveux longs a demandé à avoir une couette après avoir vu une assistante maternelle en faire une à l’une de ses camarades. Laetitia, une assistante maternelle, n’ayant pas de problème avec cela elle lui fit une couette, et nous a partagé sa crainte “Pour la couette, j’ai eu peur de comment allait le prendre les parents”

“C’est pas qu’on ne veut que des poussettes roses, c’est qu’il n’y a que ça en vente” suite à ça nous avons pu discuter du problème du marketing des jouets, en effet certains jouets comme la poussette sont genrés (ici un jeu “pour les filles”) alors lui ait associé la couleur rose dans le seul but d’en vendre plus. Angélique nous parle de sa volonté d’en chercher avec d’autres couleurs mais qu’il est plus compliqué voir impossible de s’en procurer à des prix raisonnables.

Elle nous a aussi relaté son expérience pour confirmer le fait que “la société n’est pas prête” à accepter que les normes établies puissent être modifiées et évoluer de génération en génération ainsi que son inquiétude pour ses propres enfants “J’avais mis du vernis à mon garçon et un homme l’a arrêté dans la rue en disant “tu mets du vernis toi ?”, “mon fils vient avec une jupe à l’école j’aurais peur pour lui, les gens ne sont pas prêt”

Puis nous a communiqué un questionnement “Pourquoi c’est plus facile dans le sens d’une fille qui utilise des choses plutôt genrées féminins que le contraire ? C’est toujours plus jugeant pour un garçon de porter du rose”, c’est “moins accepté d’avoir une part de féminité chez un garçon, qu’une part de féminité chez une fille”, Louise nous a aussi dit lors d’une conversation sur les vêtements des enfants “je ne vois jamais de garçon qui porte du rose”. Dans le rapport d’information sur les stéréotypes de genre, plusieurs études ont montré que “les pères sont ceux qui stéréotypent le plus leur bébé” et que “ce sont aussi les moins équitables : un père sera plus sévère avec un fils qui adoptera un comportement dit “féminin” (peureux, pas assez casse-cou) qu’avec une fille qui bouscule les stéréotypes féminins »” ce qui explique la réticence de la société de ce côté-là.

J’ai conscience que je suis allé dans une crèche ou l’éducation non genrée est une normalité mais malgré cela j’ai pu recueillir des informations qui prouvent qu’il est encore important de travailler là-dessus. Ces données me permettent de confirmer certaines de mes lectures puis me donnent l’idée d’une approche différente de celle que j’ai pu avoir avant, serait-il intéressant de plutôt sensibiliser les parents à ces questions ?