Cliché Vs Réalité – Note de synthèse

Mon projet, “Clichés VS Réalité”, vise à améliorer la connaissance sur le cancer par le biais du design graphique. Au cours de mon stage à l’ICANS (L’Institut de cancérologie Strasbourg Europe) , j’ai collaboré avec des patients et des professionnels de santé pour améliorer l’expérience patient. J’ai constaté un problème de compréhension lors des échanges avec le personnel de santé, ce qui a mené à ma recherche sur l’utilisation du design graphique pour faciliter ces échanges. Mon mémoire, centré sur la didactique visuelle, a guidé mes réflexions et mon approche. Malgré la complexité liée au secret médical, j’ai travaillé avec ma partenaire hospitalière pour identifier les clichés courant sur le cancer pour les combattre.

Mon projet se déroule en trois grandes phases, la collecte de “clichés” qui sous-entendent les idées reçues, la collecte de “réalités” qui demande un rassemblement d’informations scientifiques exactes et vulgarisées et le prototypage de dispositifs qui proposent des pistes de solution d’information.

 

 

Phase de collecte de clichés

Initialement, mon objectif était de rassembler des clichés sur le cancer. Pour y parvenir, j’ai conçu un instrument original sous la forme d’un cube, dont chaque face portait l’inscription d’un cliché sur le cancer. Ces clichés ont été recueillis au cours de mes premières entrevues avec ma collaboratrice et ils ont formé la base de cette collecte de données.


J’ai choisi la forme d’un cube pour sa facilité de manipulation et sa familiarité. C’est un petit objet qui tient dans la main, inspire spontanément au jeu et incite à l’interaction, rendant mon approche moins intimidante pour les personnes interrogées.

J’ai donc eu l’occasion d’expérimenter ce cube en contexte urbain, plus spécifiquement dans des zones commerciales en interaction avec les passants. Dans un premier temps, je sollicitais les individus en leur demandant d’identifier l’affirmation avec laquelle ils s’accordaient le plus, les invitant alors à coller un autocollant sur la face correspondante du cube. Par la suite, je leur dévoilais que ces propositions étaient en fait des clichés courant sur le cancer, avant de leur demander s’ils connaissaient d’autres stéréotypes similaires ou s’ils avaient une anecdote particulière à partager à ce sujet. Avec le consentement des personnes interrogées, j’ai pu enregistrer ces échanges afin de collecter ces précieuses données et d’en affiner l’analyse. Ce cube m’a permis de recueillir deux types de données : une dimension quantitative par le comptage des autocollants, mais également une dimension qualitative lors de l’échange d’anecdotes par les participants.

S’additionne à ce dispositif, la conception d’un formulaire composé de  plusieurs questions destinées à collecter à la fois des anecdotes et des réponses précises sur les stéréotypes qui peuvent polluer les informations des patients atteints de cette maladie, mais aussi leurs proches. J’ai ensuite diffusé ce formulaire auprès de plusieurs de mes contacts, et ma collaboratrice l’a également utilisé pour interroger les patients de l’ICANS

Pour enrichir cette phase de collecte de clichés, j’ai également mené plusieurs recherches s’appuyant sur les informations fournies par des organismes tels que la Ligue de lutte contre le cancer ou l’Institut Gustave Roussy, en quête de diverses données en ligne.

Une fois l’intégralité des données recueillies, j’ai dû identifier les clichés cachés dans les anecdotes relatées, ainsi que dans les différentes données collectées. J’ai établi une liste de clichés que j’ai ensuite soumise à l’expertise de ma collaboratrice. Son regard averti m’a permis non seulement d’identifier les clichés intéressants à déconstruire, mais aussi ceux qui sont les plus récurrents dans son domaine.

 

 

Phase de collecte de réalités

La deuxième phase du projet se focalise sur la collecte de “vérités”, j’entends par là des données médicales exactes, ayant pour objectif de déconstruire les clichés préalablement sélectionnés. Pour ce faire, j’ai conçu un dispositif autonome qui a été mis en place dans une bibliothèque fréquentée par des étudiants en médecine pendant plus d’une semaine. Consulter des étudiants en médecine me paraissait alors approprié pour les impliquer en tant que futurs professionnels de santé, mais j’avoue aussi que les rencontres avec les professionnels en place se sont révélées difficiles, en raison de leur manque de disponibilité. Ce dispositif à deux modes de fonctionnement lors de la récolte de données.

 

 

Premièrement, l’étudiant peut interagir avec le dispositif de manière physique. Il aperçoit le dispositif et peut décider de prendre une fiche de la première boîte, intitulée “Cliché”, sur laquelle il est invité à répondre par écrit. Cette fiche présente une liste de clichés auxquels l’étudiant peut choisir de répondre, soit par une anecdote, un fait scientifique, ou de toute autre manière qu’il juge appropriée. Une fois la réponse formulée, il dépose la fiche dans la deuxième boîte, baptisée “Réalité”.

Deuxièmement, le dispositif offre une interaction numérique. De manière instinctive, l’étudiant peut être attiré par le QR code visuellement proéminent et décider de le scanner. Ce QR code le redirige vers un formulaire en ligne qui reprend le même contenu que celui présenté sur les fiches de la boîte “Cliché”. Dans ce contexte, l’étudiant a la possibilité d’ajouter une dimension multimédia à sa réponse, en ayant la possibilité d’importer une image ou de répondre en utilisant des citations.

J’ai ainsi pu collecter des données à la fois sur les fiches et par le formulaire en ligne, ce qui m’a permis de formuler des hypothèses de réponses assez régulièrement. Ces dernières ont été vérifiées en collaboration avec ma partenaire et ses collègues de l’ICANS, permettant un nouvel examen expert de ces réponses et des méthodes pour déconstruire les clichés. En effet, le choix des termes employés dans le milieu médical, particulièrement lorsqu’il s’agit d’expliquer des faits, requiert une approche rigoureuse.

 

 

Phase de prototypage

Une fois les deux phases de collecte – celle des “clichés” et celle des “réalités” – terminées, j’ai pu entamer la phase de prototypage pour aller vers des pistes de solutions d’informations fiables. Celle-ci a débuté par la création des cartes “Cliché VS Réalité”, juxtaposant les stéréotypes sur le cancer à des explications précises et éclairantes permettant de déconstruire ces clichés.

Cette confrontation se retrouve également dans l’aspect graphique de l’objet, avec un contraste visuel : le bleu pour les clichés et l’orange pour les réalités. Ce choix de couleurs et de design graphique fait particulièrement écho à mon mémoire sur la didactique visuelle, ainsi que sur l’impact des couleurs et des formes sur la perception. J’ai également opté pour des formes arrondies dans l’ensemble de mon projet. Les formes arrondies sont souvent associées à la sécurité, à la douceur et au confort. Elles sont plus apaisantes et invitantes à la consultation, ce qui peut aider à instaurer un sentiment de confiance chez les usagers lorsqu’ils sont confrontés à ces informations.

 

Les cartes sont conçues pour être utilisées de deux manières différentes. Premièrement, elles peuvent être disposées en salle d’attente sur un présentoir qui les met en évidence. Ainsi, le patient peut choisir de les consulter de manière autonome pour s’informer.

 

 

Deuxièmement, elles peuvent être utilisées lors d’un entretien entre un professionnel de santé et un patient. Les cartes sont rangées dans un tiroir qui les catégorise en quatre compartiments : guérison, causalité, détection et traitement. Cela permet au professionnel de santé, qui est le plus à même de juger, de choisir la carte la plus appropriée pour le patient qu’il a en face de lui. Le médecin peut utiliser cette carte comme support pour communiquer des informations au patient et peut également la prêter au patient pour qu’il puisse lire ce qui est écrit dessus et en discuter. S’il dépose l’ensemble de la boîte sur son bureau, il peut inviter le patient à piocher certaines cartes dans les items pour lesquelles il souhaiterait éventuellement plus d’informations. Le médecin distribue aussi une carte de visite contenant un QR code qui dirige vers le site web “Cliché VS Réalité”.

 

 

Par la suite, j’ai également transformé le concept en une affiche de sensibilisation. J’ai pris soin de rendre l’affiche visuellement attrayante tout en restant fidèle à l’objectif de déconstruction des clichés. J’ai opté pour des graphiques intuitifs et accessibles pour représenter l’information, permettant une compréhension rapide sans trop de détails explicatifs. J’ai conscience que certains termes utilisés, comme “survie à 5 ans”, peuvent sembler violents. Cependant, lors de mes échanges avec les patients, j’ai constaté qu’il s’agissait du type d’information qui leur parlait le plus. Il est donc essentiel de ne pas éluder ces aspects pour répondre aux besoins réels d’information des patients. Pour compléter et approfondir les informations de l’affiche, celle-ci contient le même QR code qui dirige vers le site web “Cliché VS Réalité”. Cela offre une passerelle vers des informations plus détaillées pour ceux qui souhaitent en savoir plus.

 

 

Enfin, j’ai conçu l’interface d’un site web et son fonctionnement pour répondre à deux besoins majeurs. Le premier consiste à fournir plus d’informations que celles qui sont inscrites sur les cartes d’information. Pour cela, un espace est dédié aux cartes en version numérique, offrant des détails supplémentaires sur les explications. De plus, un espace est réservé à des liens utiles qui peuvent compléter les informations non mentionnées sur le site, comme les organisations officielles telles que la Ligue de lutte contre le cancer ou l’Institut Gustave Roussy. Le deuxième besoin consiste à proposer : un espace dédié au partage d’informations permettant aux utilisateurs de transmettre d’autres clichés que ceux déjà répertoriés sur le site.

 

 

Pour finir, je réalise alors que le dispositif déployé lors de la phase de collecte de “réalités” peut revêtir une dimension d’objet d’information pérenne vers la fin du projet, étant donné que le QR Code intégré est dynamique et redirige vers le site web. Un dernier entretien téléphonique avec ma partenaire me met aussi sur la voie d’un usage plus important encore de ce site. En effet, la mise à jour des informations données sur le site pourrait se faire par des étudiants en médecine à partir de la 6e année. Ma partenaire évoque la dimension d’apprentissage que cet exercice pourrait mener pour de futurs professionnels de santé. Apprendre à apporter des réponses à ces clichés, contrer explicitement, mais avec délicatesse les idées reçues peut en effet être un exercice de médiation et de pédagogie médicale intéressant à mener pour des étudiants.



Conclusion

En tant que designer, je retiens que le secteur médical, bien que fortement réglementé, peut grandement bénéficier des contributions de la démarche du design. J’ai éprouvé des difficultés pour être introduit auprès des patients aussi souvent que je l’aurais souhaité. Je n’ai pas toujours pu tester les dispositifs comme je l’avais idéalisé. Mais cela m’a demandé de trouver d’autres stratégies pour récupérer des données. Les règles strictes imposées par le secret médical et la déambulation dans les hôpitaux peuvent en effet freiner le développement d’un tel projet, mais l’impact de la consultation et de la collaboration indispensable avec les soignants et les patients se révèle toutefois considérable.

Pour un projet de plus grande ampleur, un partenariat plus solide serait nécessaire afin de mener une série d’expérimentations essentielles au bon déroulement d’un projet de design social. La résidence de design telle que j’ai pu y participer lors de mon stage, et donc pleinement encadrée par l’institution est nécessaire au bon développement d’un projet.

Cette aventure m’a fait réaliser l’importance cruciale d’une recherche approfondie en amont pour façonner un concept de projet innovant et efficace. Plus encore, elle a aiguisé ma conscience de l’importance vitale de concevoir des projets qui résonnent véritablement, qui ont du sens et qui sont véritablement centrés sur l’amélioration de l’expérience de l’utilisateur. Fort de cette expérience, je suis maintenant animé par une détermination encore plus grande à continuer à travailler dans cette voie, à utiliser le design pour rendre le monde un peu plus compréhensible et accessible à tous.