Découvrons la problématique. Comment permettre le partage des cultures sonores entre les institutions de la Presqu’île, pour les usagers?  Sur un site partagé entre prouesses architecturales et quiétude sonore, la richesse culturelle et musicale se fraye un chemin. De la médiathèque André Malraux, au Shadock et jusqu’au Conservatoire de Musique, l’environnement sonore n’est pas le même. Chaque institution, dans ses spécificités sculpturales, apporte ainsi une identité atypique, à mi-chemin entre paysage visuel et paysage sonore. Le Conservatoire de Musique, de son enceinte aux lignes enchevêtrées, constitué d’un assemblage de volumes et matériaux différents, traduit par exemple, par son allure, le  métissage musical qu’il suscite. Dans cette optique, nous avons cherché à associer image et son, afin d’ouvrir le dialogue autour des culture sonores.
À travers une recherche graphique, façonnée de tâches et motifs colorés, nous avons créé un atelier prospectif. Chaque tâche, chaque motif, révèle un dynamisme singulier, que les usagers pourront associer à une tendance, une préférence musicale qui leur est propre, et qui, à la fois, leur semble correspondre au visuel proposé. Identité visuelle. Collection graphique. Cartes de visite. Nous voilà fin prêts à entamer la rencontre. Celle-ci, faite successivement entre des visiteurs occasionnels ou des habitués,  plus ou moins âgés, plus ou moins pressés, tantôt très ouverts ou bien complètement fermés, nous a permis de constituer l’ébauche d’une playlist collaborative aux couleurs des motifs suggérés et des multiples personnalités.

Qui sommes-nous |
A mi chemin entre le mythique Claude François et le Cloud, plateforme de partage, nous sommes les CLAUD. Le collectif est constitué de trois designer ; Cécile Dandreis, mention graphisme, Philippe Zappadu, mention produit et Camille Robinet, mention espace.
La problématique sur laquelle nous devons travailler est : comment permettre le partage des cultures sonores entre les institutions de la Presqu’île, pour les usagers?

Notre identité graphique |
L’identité graphique du collectif c’est avant tout un triangle, c’est-à-dire 3 angles pour 3 personnes aux spécialités différentes. De plus, la multitude de triangles représente nos multiples facettes, notre pluridisciplinarité. On peut aussi y distinguer un nuage, rappelant le cloud, en lien avec notre thématique du partage et de la diffusion.

Martial est un artiste musicien qui s’intéresse à l’objet sonore. Selon lui, celui-ci peut être caractérisé comme une entité définissable, dont l’usage, la perception, la plasticité en sont l’illustration. Ce que nous en faisons quotidiennement au niveau de son écoute, mais aussi de l’espace dans lequel nous l’écoutons, reflète notre personnalité. Imaginons un instant. Serait-il agréable d’écouter, hauts-parleurs hurlant, le dernier tube électro en vogue, lors d’une séance de relaxation? À contrario, apprécierons-nous de la même manière une musique d’ambiance, lorsqu’elle est entendue depuis un fauteuil massant ou bien d’une position de gainage? La perception, à l’échelle de l’objet sonore, est la condition, mais aussi l’attitude dans laquelle nous pouvons nous approprier le son. Grâce à l’atelier proposé par Martial, nous avons appris à “prêter l’oreille”, à se conditionner dans une posture d’écoute plus pertinente. Rassemblés dans une pièce à l’atmosphère propice à la relaxation, assis par terre, nous avons pu voyager aux travers de multiples musiques, des sentiments qu’elles dégageaient, des réactions qu’elles suscitaient. Difficile de concevoir l’idée d’écouter successivement des musiques d’inspirations cubaines puis de grands classiques de la chanson française. Encore plus difficile lorsque ces mêmes classiques, appréciés quelques minutes auparavant dans leur plus simple appareil, sont ensuite entendus dans une version remasterisée, de la balade romantique vers la pop endiablée. Et si nous étirions ces mélodies? Si nous faisions d’elles un violent vrombissement, si nous accentuons certains sons plutôt que d’autres, si nous montions le volume au maximum? Que deviendraient-elles?
Dans son ensemble, l’expérience nous a permis de comprendre le terme de culture sonore. Chaque tonalité reflète une inspiration, un univers bien à elle, potentiellement catégorisable. C’est donc ça, la culture sonore. Cependant, bien qu’une mélodie puisse s’apparenter à une culture particulière, lorsqu’elle est allongée, raccourcie, transformée dans sa tonalité, elle peut communiquer par la suite un message nouveau, par extension une culture sonore différente. Forts de notre nouveau regard sur les sons, nous avons pu étendre l’expérience vers l’extérieur, le monde réel, presque barbare, celui des bruits urbains et des cris d’enfants. Si écouter sous différents angles une musique légendaire s’avère être un exercice particulier, écouter l’environnement et son humanité l’est davantage. Grâce à Pauline – designer global qui s’intéresse aux manières d’écouter et de comprendre le son – à son travail et ses méthodes de recherches, nous avons pu saisir des techniques auditives et analytiques des plans sonores. De manière inédite, nous avons découvert et redécouvert la Presqu’île sous tous ses angles. Ses reliefs, ses textures, ses architectures, mais surtout ses sons. L’absence de son, d’ailleurs, aux premiers abords. Si nous n’y prêtions pas vraiment attention, l’endroit pourrait nous sembler terriblement silencieux. Cependant, peignant illusoirement un paysage sonore comme nous peindrions une toile, nous avons cherché à hiérarchiser les bruits alentours. La ville, tout d’abord, en arrière-plan, puis le vent un peu en avant, l’eau encore plus près, les canards, les pigeons, les ragondins, les vélos, leur cycliste, les enfants un peu plus loin. Pardi que de sons !

 

Bienvenue aux abords de la médiathèque André Malraux. La première fois, c’est aveuglés que nous l’avons traversée. Les yeux fermés, ce lieu méconnu laissait place à l’insécurité. Au delà de l’action mécanique du corps qui déambulait, conduit par un autre, un réel travail psychologique débutait dès lors. D’une certaine manière, notre esprit était endormi alors même que tous nos sens étaient en éveil. Un soupçon d’odeur marine, un brouhaha envahissant, des craquements de feuilles, le vent de front. Un monde imaginaire se substituait au monde réel que nous ne pouvions pas voir. Et pourtant, nous n’en étions pas si loin. Si dans nos têtes les lignes se profilaient, s’amplifiaient et s’emmêlaient, dessinant les ombres et lumières perçues intuitivement, au dehors elles n’en faisaient pas moins. Harmonieuse, riche de ses institutions aux architectures colossales, la Presqu’île lorsqu’elle est perçue visuellement, pourrait être dépeinte tout aussi sensiblement que par l’imaginaire de son paysage sonore. Des lattes de bois tremblantes se dessinent sur le sol, tandis qu’un cycliste passe.  Plus loin, les parterres d’herbes, jonchés de feuilles mortes, font la moue aux établissements culturels alentours, qui habillent le canal d’une démonstration architecturale de rigueur. Un envol de pigeon, un murmure de canard, et notre attention se porte désormais sur les rives bordées d’eau. Le lieu est calme, il n’hurle ni ne dérange, il murmure.
Les sons deviennent parfois des odeurs. En arrière plan, vrombissement automobile, effervescence de chantier, cris d’enfants s’ajoutent aux différents reliefs textuels. Escaliers pentus. Pont en suspension. Dallage. Bienvenue sur la Presqu’île André Malraux. Parlons-en, d’ailleurs, d’André Malraux. Écrivain, aventurier, homme politique et intellectuel, de cet homme nous pouvons dire presque autant de la médiathèque qui en porte le nom. Spectaculaire. Trépidante. Attirante. Voici ce que nous retenons de la visite de celle-ci. Elle est à la fois incroyablement grande et étonnamment construite. Fière de ses six étages de partage culturel, elle est organisée autour d’un escalier central, façon Château de Chambord, tout en métal ajouré. Quelle aventure! Chaque étage est spacieux, proposant tantôt des ouvrages à perte de vue, tantôt des espaces de rencontres, ou bien de non rencontres, des espaces de lecture ou bien d’écoute musicale, des espaces de détente ou de recherche. Elle est une sorte de parenthèse, une utopie au sein de la ville, au coeur de laquelle chacun peut laisser libre cours à ses inspirations, ses passions, ses ambitions. Lire la suite…