Port du Rhin


Phase 1 : observation de terrain

Nouveaux habitants de Strasbourg, (Chloë, Design Produits, lyonnaise. Alexandre, Design d’Espace, bordelais et Élise, Design Graphique, marseillaise) nous sommes partis à la découverte du quartier du Port du Rhin, Parc des deux Rives.

Situé sur l’île aux épis, à l’Est de Strasbourg, ce quartier excentré sert de lien entre l’Allemagne et la France. Il est avant tout une zone en plein développement : habitations, école, pôle santé, et transports en communs, s’organisent et se construisent. Une nouvelle ville est donc en train de naître, bilingue et pluriculturelle. En effet, en bord de Rhin, ce quartier est une interface entre les deux cultures. Le Rhin est l’élément principal qui confère au lieu sa grande singularité. Il délimite les deux pays en tant que frontière naturelle et permet un important réseau fluvial (tourisme et commerce).

Mais il s’agit aussi d’un lieu très contrasté entre le développement grandissant de l’urbanisme et l’abandon de bâtiments industriels, témoins d’un dynamisme passé. Un autre grand contraste : la nature très présente au parc des deux Rives face au fort trafic routier du pont de l’Europe. Le parc des Deux Rives s’étend sur les rives du Rhin, à Strasbourg comme à Kehl, ville allemande. Il a une forte fonction symbolique, signe de l’union des deux pays. On note cependant que le jardin n’est pas conçu ni organisé de la même manière du côté français (jardin traditionnel) et côté allemand (jardin à l’anglaise). La passerelle des Deux Rives aussi appelée « passerelle Mimram » (du nom de son concepteur) relie les deux parties du jardin. Exclusivement pour piétons et cyclistes, elle est composée de deux tabliers qui se rejoignent au centre et forment une place de détente offrant un beau point de vue sur le Rhin. Elle est l’élément central du jardin et se veut un trait d’union moderne entre les deux peuples voisins.
Il y a donc plusieurs échelles, plusieurs vitesses qui rendent ce lieu si particulier.

Il s’agit à nos yeux d’un lieu de passage, de transition entre France et Allemagne, pas encore considéré par les allemands et strasbourgeois comme un lieu de vie.

Alors quelle serait la place du numérique dans ce lieu en plein essor et de contrastes ? 

New city dwellers, we discovered a new neighbourhood in early september : the Port du Rhin.
A place between France and Germany that unifies the two countries, like a bridge between these two cultures.
Le Port du Rhin is developping : a new school, a new tramway and a lot of constructions are coming soon.
A formely industrial island with a lot of green places that reveal the big contrast of the neighborhood.
We think it’s an interesting place where we can do a lot of fun work as designers and imagine real or utopian projects. We ‘ll see …
To be continued.

Phase 2 : orientations de travail

On devine l’arrivée d’une agglomération nouvelle : Kelhstras* arrive !
Lieu de projections pour beaucoup d’architectes, urbanistes, politiques (…), on peut se demander quels sont les éléments qui créent aujourd’hui et créeront l’identité de Kehlstras de demain. Car « L’identité d’une ville se recherche pour se différencier mais aussi pour se reconnaître » (Yvan Teypaz, chercheur).
Aujourd’hui lieu frontière, de passage plus que lieu de vie, c’est un lieu poreux. Kelhstras a alors besoin d’un dispositif fédérateur, permettant aux habitants actuels et ceux à venir de se rassembler, de s’unir, et de s’identifier comme kehlstrassiens. Un dispositif qui s’aide du numérique pour améliorer la lisibilité de la ville, la dynamiser, la faire vivre, la communiquer et lui donner un sens.
Nous voilà donc embarqués dans l’aventure du « city branding » ! Quel serait alors l’équivalent kehlstrassien du « We tried hotdog but we preferred quenelle » lyonnais, « Keep calm and carry on » londonien, du « I AMsterdam » amstellodamois ?
> Keep calm and be a kehlstrasser
> Liebe Kouglof, liebe Knacks : liebe Kelstras
> Hoplààà Kehlstras !
> Viens donc schlucker à Kehlstras
> Vous ne serez jamais schlass de Kehlstras (que l’on affectionne tout particulièrement).

Axe 1 : Le numérique comme outil de projections de lumières, d’images, de messages (événements, d’informations, culture, …) typiquement kehlstrassiens. Nous devons alors définir ces lieux de l’espace public propices aux projections.
– les bâtiments désaffectés, l’ école, … et les usagers du lieu nous éclairciront sur ce point.

Axe 2 : Penser la ville comme un terrain de jeux ludiques proposant des parcours de visite pour la diffusion de la culture kehlstrassienne à l’aide de bornes, de supports numériques.
Une culture définie par :
– sa cuisine (le kouglof aux knacks, plat typiquement kehlstrassien)
– son bilinguisme
– son paysage
– ses événements (festivals de musique hébergés à la Coop, …)
– ses productions artisanales et industrielles

Axe 3 : le numérique pour gérer et organiser les différentes activités de la ville (pharmacies, épiceries, jardins partagés, …).

* Au fait : pourquoi Kehlstras ?
Parce que Straskehl c’était trop évident; on chamboule ici le sens de lecture occidental, pour cette ville naissante en plein chamboulement.
Et aussi parce qu’on peut se demander « Quel Strasbourg » ? Est-ce vraiment encore la ville de Strasbourg ? Nous le pensons pas. C’est autant Strasbourg que Kehl finalement.

La météo a joué en notre défaveur, nous n’avons pas encore pu interroger les habitants et passants du quartier.
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Nous leur demanderons qui ils sont, la raison / les raisons de leur présence au port du Rhin, ce qui, selon eux, fait l’identité de ce quartier, ce qui la fera.
Nos outils brise glace nous aiderons à faciliter le contact avec ces usagers pour qui nous avons concocté les « Pass-Port du Rhin » !
Nous les rencontrons ce soir : à suivre !

Phase 3 : Session Brisage de glace

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Enfin !!! Le temps n’est plus capricieux. Ce qui nous a permis de nous rendre sur le terrain deux fois. Nous avons donc pu utiliser et voir le potentiel de nos outils brise glace. Brise glace ? Non ils ne servent pas à piler des glaçons pour préparer les fameux mojitos kehlstrassiens mais bien à aller à la rencontre des usagers du lieu sans trop leur faire peur et qu’ils ne pensent pas que l’on essaie de leur vendre des tapis à mémoire de formes en pelage de serpent albinos. Il s’agit plutôt de tampons réalisés en bois (tourné et medium stratifié) avec de l’encre. Les passants ont donc pu s’arrêter et créer leur propre Pass-port de Kelstras en tamponnant les différentes cases avec les outils correspondants (homme, femme, allemand, français, résident, passant….). Ils ont ainsi pu nous parler et prendre part dans la naissance d’un projet de design.

Le premier lieu d’intervention était la Place de l’hippodrome, au centre du quartier historique des deux rives. Les personnes, plutôt surprises par notre présence et nos outils ont mis le temps pour venir. On a donc pu rencontrer plusieurs riverains qui nous ont donné des avis complètement différents… Merci! Certains trouvent le quartier vraiment excentré de la ville européenne Strasbourg, éloigné de tout, mis à l’écart et certains habitants nous ont confié se sentir exclus. Malgré les commerces et services de proximité (une épicerie, un restaurant, une pharmacie et une MJC), il y a peu d’infrastructures permettant de vraiment jouir de ce quartier. Les jeunes du quartier s’y ennuient, tournent en rond dans un quartier en transition. Quant à d’autres, ils s’y sentent bien et n’ont aucune raison de le quitter. « Le quartier est calme, tout le monde se connait » nous dit Naoual. Par contre, tous s’accordent à dire que la proximité avec l’Allemagne est un avantage. Les habitants préfèrent aller faire leurs courses à pied à Kehl (moins cher) et profiter du parc allemand et des aires de jeux pour enfants, selon eux mieux pensés pour les usagers.

La deuxième fois nous sommes allés au Jardin des deux rives en semaine à 17h où nous avons pu découvrir un tout autre visage du quartier. Un espace plus structuré, peut être même trop pour certains (les habitants du quartier nous ont même dit que, depuis sa rénovation, ils n’y vont plus vraiment : trop de monde, ce jardin ne leur appartient plus). En pleine canicule strasbourgeoise (20’C) nous avons donc traversés le parc pour nous rendre a la fameuse passerelle Mimram, symbole de l union germano-kelhstrassien. Mais, pas de chance la passerelle était en partie fermée pour travaux. Tant pis, on s’est donc installés au pied de cette dernière pour préparer notre atelier : installation des tampons sur un banc et marquage au sol à la craie pour délimiter notre intervention. Beaucoup plus de passage que dans notre premier lieu, toutes les personnes rencontrées ne sont pas de kelhstas. Les strasbourgeois viennent s y balader et s y d’étendre. D’autres se sont plaints de l’ombrage inexistant. Les usagers du parc ont participé davantage que ceux de la place de l hippodrome. Ce qu’il faut donc retenir de ce lieu c est qu’il est apprécié pour son calme, sa grandeur et ses espaces verts.

Phase 4 : Intentions de projet

Devant l’immensité de notre terrain et après nos investigations et échanges avec les usagers du quartier, nous avons décidé de nous concentrer sur un lieu bien précis :
La place de l’Hippodrome

Récemment refaite, elle est située devant l’école du Rhin, devant le quartier ouvrier et elle longe la large nationale (qui elle sépare l’île en 2).
Pourquoi ce lieu ?
Car il est géographiquement en plein centre de l’île, et peut donc rassembler potentiellement les usagers du parc des Deux Rives et les habitants du quartier ouvrier. Et surtout parce qu’elle est à nos yeux une zone poreuse, de passage, une interface entre les deux pays, et que le plan d’urbanisme l’a rendu certes plus moderne (fontaines, jeux pour enfants, pharmacie neuve, bancs « design », parcelles de jardins « sauvages » …) mais aussi très curieuse. Elle est grande et vide. Les fontaines giclent mal, le jeu pour enfant est excentré, les parcelles de vert semblent avoir été abandonnées par les paysagistes et accueillent déchets en tout genre, les bancs sont vides, des îlots de 3 poteaux d’éclairage public sont mal implantés sur la place. Elle crée en fait un boulevard piéton pour relier le quartier ouvrier à la nationale. Un peu glauque donc.

Il nous semble ainsi important de redynamiser cet espace, d’en faire LA place publique de l’île, voire même l’emblème de Kehlstras, là où l’on se rencontre, échange, et vit. Un lieu d’évènements mais aussi d’expériences.
Dans cet espace, le numérique est aujourd’hui utilisé à travers l’utilisation des téléphones portables, pour écouter de la musique sur le seul banc au nord de la place, où pour téléphoner (cf Corinne, nounou qui, tout en surveillant les enfants qui jouent sur l’unique balançoire, téléphone à ses amis en Guyane). Finalement, le numérique isole les habitants quand il pourrait être le moyen pour rassembler, informer, gérer, faire jouer un quartier et créer du lien social, même temporairement. Et c’est cela que nous voulons faire.
Le numérique sera donc notre outil, notre medium pour parvenir à ces fins.

Phase 5: Jamais Schlass de Kehlstras !

Nous proposons un dispositif venant se greffer sur les 3 poteaux d’éclairage, qui sont aujourd’hui surtout une pollution visuelle et une gêne physique aux yeux des usagers du quartier.
3 tables tactiles circulaires viendront alors cercler ces poteaux pour les transformer en supports interactifs, informatifs et participatifs.
En effet, chacune des tables proposera aux habitants, passagers, curieux,… de venir dessiner sur des photos des paysages et des particularités de Kehlstras mais aussi sur des photos qu’ils pourront prendre eux-mêmes grace aux appareils photo qui y sont intégrés.
Ils seront une galerie photos, aussi visibles sur le site www.kehlstrass.eu
Cela permettra à tous de venir marquer son empreinte numérique mais aussi de se projeter sur ce territoire et de se rassembler en vivant une expérience nouvelle.
Pourquoi le dessin ?
Car il est un langage compréhensible par tous, dans ce lieu d’interfaces culturelles. Ainsi, les allemands, algériens, français, … pourront se comprendre et communiquer à travers ce medium.
Aussi, ces 3 poteaux seront liés entre eux par des panneaux d’affichage en hauteur. Ceux-ci permettront de diffuser de l’information sur le quartier (évènements à venir, expos en mairie, activités de l’école, météo, …). Ces panneaux seront visibles de loin, seront alors un signal, un repère de rassemblement.

Ce dispositif permettra donc à Kehlstrass d’affirmer son identité, de dynamiser le quartier et de rassembler les gens qui y habitent, qui y passent.