Le mardi 7 février, nous étions réunies à l’occasion de la journée des rencontres In Situ Lab. Elle constituait notre oral de soutenance de mémoire et nous permettait à la fois d’exposer notre thématique de mémoire commune au labo « Quelles nouvelles formes pour le soin ? » et à la fois d’échanger sur nos recherches avec différents acteurs ou experts, que nous avons croisé pour certains sur nos terrains d’intervention.


Les invités :

  • Fred Rieffel : designer (Maison des adolescents à Strasbourg)
  • Christelle Sordet : médecin en rhumatologue initiatrice de l’éducation thérapeutique à Strasbourg
  • Marie-Odile Wagner : ergothérapeuthe, intervient en éducation thérapeutique
  • La Fabrique de l’Hospitalité : service intégré aux HUS chargé d’actions culturelles, améliorent le fonctionnement des services hospitaliers et le parcours patient en intégrant les acteurs (patients, professionnels de santé, administration) présents sur le terrain
  • Alexandre Berkesse (appel vidéo): consultant et chercheur en management à l’Université de Montréal, contribue à la réflexion sur le « partenariat de soins et de services » et sur le rôle du patient dans le système de santé actuel, grâce au programme de formation de Patient-partenaire
  • Patrice Rey (appel téléphonique): muséologue, travail de médiation et d’illustration autours des croyances populaires notamment liées à la médecine
  • Dingdingdong (appel téléphonique la veille) : création de savoirs autour de la maladie de Huntington 

 

~ RETOUR SUR LA JOURNÉE

La prise de note en direct sur les murs d’exposition a permis de rompre avec le côté magistral de la présentation et de rendre visible l’évolution du discours. Le fanzine créé en flux tendu par la cellule éditoriale était un moyen créatif de garder trace de la journée, dans l’immédiateté du discours et des échanges. Distribué à la fin, il constitue un témoignage de cette journée à la fois pour le public et pour nous.

Le format du séminaire participatif, qui intègre des acteurs variés comme des designers, médecins et patients, encourage la démocratisation du design dans le soin, pour commencer à dialoguer et à échanger les points de vue sur le soin. Certains professionnels de santé qui n’avaient pas connaissance de notre travail jusque là, ont été surpris par la façon dont le design pouvait intervenir et questionner leurs pratiques quotidiennes. Cette porosité de la frontière entre design et soin, permet d’entrevoir de nouvelles perspectives et envisager des solutions alternatives. En parallèle, le design dans le soin peut être considéré comme une innovation en soi, car l’intervention de designers dans le milieu médical est encore rare.

La diversité des intervenants présents était fédérée autour d’une volonté commune : considérer le patient comme personnage central des services de soin et favoriser son autonomie. Christelle Sordet, rhumatologue en charge de l’éducation thérapeutique précise que le patient est acteur de son parcours de soin, une posture active encouragée par le collectif Dingdingdong qui co-produit du savoir expérientiel avec des soignants, artistes, chorégraphes et patients atteints de la maladie d’Huntington. Alexandre Berkesse institutionnalise l’empowerment du patient à travers le programme du Patient-Partenaire au CHU de Montréal, où à la suite d’une formation, le patient devenu expert peut s’impliquer auprès des médecins pour repenser les parcours de soin, la recherche et la formation des soignants.

Le design peut ainsi intervenir à diverses échelles. L’esthétique médicale est à questionner lorsqu’elle connote un univers austère et sérieux, stigmatisant le malade. Au-delà des objets, le designer peut également se placer en médiateur entre les différents usagers des services de soin, qu’il s’agisse des patients, des soignants ou des accompagnants; et ainsi repenser en co-construction les parcours médicaux, en intégrant le patient comme un véritable acteur de son parcours de soin. Le designer peut alors porter un regard extérieur sur les pratiques médicales et s’affranchir des normes contraignantes du système hospitalier, pour fabuler de nouveaux scénarios de soin, en puisant dans l’imaginaire culturel ou dans d’autres champs comme l’art, la sociologie, etc.

 

POUR ALLER PLUS LOIN…

La journée d’échanges autour des formes du soin donne un nouveau souffle à nos réflexions respectives à la suite de quoi nos écrits de mémoire se sont précisés. Questionner les pratiques de soin, c’est s’engager et prendre conscience des enjeux politiques, sociaux et économiques que peuvent soulever les innovations médicales. Face à l’essor du numérique dans ce secteur, nous nous posons la question de son intégration dans nos projets. Le numérique doit pouvoir augmenter un service humain de soin, et non pas le remplacer. Car ces innovations numériques se placent généralement dans une mouvance actuelle qui tend à la privatisation des services de soin, nous nous interrogeons sur les modèle(s) économique(s) dans lesquels nos projets peuvent s’inscrire. Il nous semble pertinent de s’engager dans une posture de projet qui renforce les services publics tout en gardant une indépendance vis à vis du commerce privé de la santé.

Comment pérenniser nos projets dans la réalité pour que ceux-ci ne restent pas de l’ordre de la performance artistique, mais soient véritablement effectifs et intégrés aux services de soin ? Car lorsqu’il s’agit de sortir des sentiers battus en terme de formes et usages des objets de soin, le milieu médical oppose souvent une certaine réticence. La Fabrique de l’Hospitalité, par son travail en étroite collaboration avec les services hospitaliers, montre que le designer aurait intérêt à être intégré aux structures médicales, pour faciliter la collaboration entre les différents acteurs du parcours et assurer un suivi des projets sur le long terme.

 

 

Jeudi 1er décembre le labo design+soin s’est joint à la journée d’éducation thérapeutique afin d’interroger les moyens de garder trace de la parole. Diverses formes seront testées dans un format de restitution immédiat construit autour d’un protocole simple. Un “messager” suit les patients et transmet ce qu’il entend au reste de l’équipe organisée en cinq postes dans la seconde salle du gymnase. Un atelier Écriture à la machine à écrire, un atelier Copier-coller avec un scanner, un atelier de peinture Grand format, et enfin un atelier Formes et sensations avec de la pâte à modeler. Le dernier poste, La rédac’, regroupe l’ensemble des productions pour fabriquer le magazine tout au long de la journée. On remettra un exemplaire de ce dernier aux patients à la fin de l’après-midi afin qu’ils gardent une trace de la journée d’ETP. La documentation s’arrête à 15h, au commencement de la dernière séance pharmacie, afin d’imprimer le journal de la journée.

Nous affichons les productions originales dans le couloir au fur et à mesure de leur réalisation.

Cette cellule éditoriale en ETP est une action où l’on adopte la posture d’observateurs, il n’y pas d’interaction avec les patients. Curieux et attentifs nous nous activons en silence pour garder trace de l’éphémère et de l’invisible transmis lors de cette séance.
Outre le résultat final, les personnes présentes en ETP (patients et professionnels) ont été interpellées par la performance en elle même. Ils nous ont exprimé à plusieurs reprises leur étonnement face à la rapidité avec laquelle on récoltait leur parole et la retranscrivait graphiquement dans une quasi instantanéité. Ils sortaient d’une séance et pouvaient en découvrir directement notre interprétation graphique. La production en flux tendu a permit aux patients de se retrouver dans les productions notamment à la vue des phrases qu’ils ont prononcées et qui ont été écrites et représentées.

Ils semblent presque émus. Cet attachement à donner forme à ce qu’ils vivent et ressentent au quotidien apporte de la valeur. Les réalisations mettent en lumière les efforts et petites fiertés quotidiennes tel qu’ouvrir une bouteille d’eau avec un élastique à cheveux. L’exposition “sur le vif” attire quelques personnes, le personnel soignant est particulièrement séduit presque déçu que les réalisations ne restent pas plus longtemps. Le design et les démarches plus artistiques apportent à l’hôpital une plus value appréciée au travail d’accompagnement. 

 

Après cette expérience, il semble nécessaire pour les patients d’affirmer un statut particulier, ni “patient », ni “valide”. Ils subissent des gènes journalières, mais les astuces et actions qu’ils mettent en place pour les surmonter sont importantes, leur valorisation et partage est nécessaire. Le regard des autres est aussi une préoccupation, parfois même une angoisse. « Le fait de communiquer plastiquement les ressentis du patient contribuent à apprivoiser ce regard extérieur sur la maladie. »
Ces conclusions nous mènent à nous questionner sur la communication, comment peut-on faire comprendre à l’autre ce que l’on ressent ? Avec une démarche plus personnelle, initiée par le patient lui-même, le prochain atelier pourrait proposer au patient d’exprimer son regard sur la maladie de manière sensible. Cela pourrait être un moyen d’amener l’entourage à un regard plus empathique, de faire l’expérience de l’autre. 

10 Novembre 2016 – L’après-midi

L’après-midi s’enchaîne avec la présentation de l’événement Hacking Health Camp, qui propose des méthodologies de créativité et d’innovation dans le champ du médical. Cet événement est un accélérateur de projets principalement numériques, qui permet à des porteurs de projets de développer une idée en un week-end, grâce à une équipe pluridisciplinaire. Cette présentation permet d’introduire les ateliers que nous allons animer cet après-midi.

 

L’Atelier d’Elín

// Le défi : Imaginer un outil numérique qui permet au patient de créer SES aides techniques.

Après avoir présenté l’idée je suis rejointe par trois curieux et deux intéressés. Dans un premier temps nous nous présentons et chacun explique pourquoi ce projet les a interpellé. C’est avec surprise que je découvre que deux de mes co-concepteurs sont atteint de maladie chronique et se sentent personnellement concernés par la solution que je propose. Une petite ré-explication approfondie du projet et nous entamons le scénario d’usage de l’outil numérique. Durant les 45 minutes je serai greffière des témoignages dévoilés par les participants guidés par mon allié secret : Anne-Laure (de la fabrique de l’hospitalité) coach pour un soir. Nous construisons ensemble un scénario d’usages qui mènera à la conception d’une application numérique.

Cet atelier nous apporte pour notre projet des avis patients, et particulièrement de patients opposés à l’idée d’hôpital. Ils se sentent étiquetés “malades” alors qu’ils ne sont pas alités, ils sont en recherche d’un autre statut qui ne les dévalorise pas. Cet outil les intéresse énormément, facilement accessible, il ressemble à ceux que l’on trouve aujourd’hui dans la mode. C’est aussi un moyen pour eux de reprendre le contrôle de leur corps qui leur fait injustement défaut.

 

L’atelier de Mathilde

// Le défi : Penser l’accompagnement de la prise en charge des adolescents lors de leur transition du services de pédiatrie au service pour adultes.

Lors de l’introduction de mon défi, j’ai eu la chance de découvrir le témoignage de Jean-Baptiste. C’est un malade chronique souffrant de mucoviscidose. Nos échanges se sont concentrés autour de son expérience, sa transition. À 17 ans, il a dit STOP! Il a voulu être autonome dans la gestion de sa maladie. Je découvre que chacun apporte son point vue, se rattachant à leurs propres expériences et envies d’adolescent. Les idées fusent. Il a été complexe de les diriger vers un outils tangible car la thématique les intéresse plus que la forme. Je prends note, j’écoute, je relance. Les 45 minutes défilent à une vitesse vertigineuse. On parvient à concentrer nos idées dans une application multi-support.

 

L’atelier d’Aurélie

// Le défi : Réaliser un outil permettant à « l’ado-patient » d’améliorer sa transition vers le service pour adulte et l’aider dans sa vie quotidienne et sociale.

Durant une heure, nous avons échangé sur la problématique de l’adolescent en milieu hospitalier. À travers notre équipe pluridisciplinaire, nous avons abordé le sujet sous différents aspects et mené une réflexion sur la notion d’autonomie de l’adolescent : « Mais l’adolescent ne peut pas être totalement autonome. Il a besoin de ses parents ne serait-ce pour venir à l’hôpital. », « Les parents ne sont pas prêts à donner cette autonomie à leur enfant » nous explique-Claire-Charlotte, infirmière puéricultrice. Nous avons donc orienté le projet vers un outil numérique permettant de commencer une autonomie sur certain aspect de la gestion de la maladie et ainsi rendre acteur l’adolescent. Cette application imaginée collectivement se présente sous la forme d’un jeu avec des objectifs à atteindre en lien avec la maladie du patient. Elle est proposée par le médecin lorsque celui-ci juge pertinent l’utilisation de cette application. L’interface possède plusieurs onglets : un espace pour communiquer et échanger avec d’autre « ado-patients », un espace pour aider le patient à organiser ses rendez-vous et un espace de réalité augmentée permettant de scanner les boîtes de médicaments sur lequel sont ajoutées les informations correspondantes.

 

L’atelier de Maëva

// Le défi : Une plateforme qui facilite et valorise les fabrications des ergothérapeutes.

Une fois installée avec mon équipe, je leur présente le défi de façon plus complète ainsi que le scénario d’usage de la plateforme, à l’aide de supports que j’avais réalisé au préalable. Ce scénario a permis de faire émerger des questionnements et de rentrer dans le projet de façon à le faire évoluer.

Ils rebondissent plutôt bien sur l’idée qui se précise au point de vue de l’utilisation de l’outil numérique, notamment grâce à l’élaboration du business plan. Trois point importants se dégagent de ce dernier. Le premier est la mise en place d’un système d’abonnement payant qui donne accès à des ressources et des solutions. Le second est la possibilité de passer des commandes d’objets déjà élaborés qui permet à celui qui tient la plateforme de toucher des bénéfices. Il devient un intermédiaire qui s’occupe de la production des objets. Le troisième est que l’ergothérapeute devient contributeur en proposant ses propres créations qui lui permettent d’acquérir des bénéfices en contrepartie. Ils peuvent réinvestir les bénéfices gagnés directement dans l’utilisation qu’ils font du site en cumulant des points comme par exemple des bitcoins ou des royalties qu’ils ré-investissent dans leur abonnement ou les objets qu’ils commandent. Cela devient pour eux une ressource. On est réellement dans un système d’échange participatif aussi bien au niveau des ressources et connaissances qu’au niveau financier. Le fait d’avoir pensé ce business model aide à construire le fonctionnement du site en lui-même.

J’ai trouvé dommage de ne pas avoir de potentiels utilisateurs de la plateforme qui s’adresse aux ergothérapeuthes, car je pense qu’ils auraient pu attester de la pertinence ou non de l’idée et la faire évoluer plus amplement.

 

L’atelier de Suzanne

// Le défi : Un livre-numérique interactif qui serve la médiation sur le diabète aux enfants.

Mon équipe est constituée de neuf personnes motivées, issues de champs variés, dont Cécilia Gurisik comme coach de l’atelier. Aurélien Michot, diabétique de type 1 et également membre de l’équipe, m’est d’un grand soutien pour parler de la maladie qui le concerne. J’illustre son discours avec un schéma du parcours du sucre dans le corps d’un diabétique que j’avais préalablement préparé.

On s’interroge sur le public ciblé. On tente de définir plus précisément l’usage de l’outil. On requestionne la légitimité du numérique dans la conception du projet.
Du plateau de jeu à la cartographie en passant par le réseau social, on suggère une multitude de formes que pourrait prendre ce fameux “serious game”. Le temps presse, chacun veut apporter sa pierre à l’édifice, mais il est important pour moi de parvenir à recentrer les participants sur l’objectif de départ : penser à un outil d’accompagnement de l’enfant diabétique de type 1, pour faire comprendre la maladie. Je réalise que la précision des termes est essentielle pour guider mon équipe dans la même direction. Il ne s’agit pas forcément de faire comprendre tout le fonctionnement du diabète de type 1, mais de donner des notions plus larges des éléments du corps, de façon ludique et adaptée à des enfants d’environ 10 ans.

À la fin de l’atelier nous précipitons les échanges pour déterminer l’outil qui finalement se révèle très différent de celui que j’avais imaginé au départ. Nous partons alors sur une idée neuve, le principe de lettres épistolaires envoyées aux enfants diabétiques et gérées par une start-up à distance. Je m’efforce d’esquisser rapidement les idées, tandis que d’autres se penchent davantage sur les ficelles du business-plan. Un aspect que j’ai d’ailleurs à peine eu le temps de cerner.

Nous sommes parvenus à imaginer un outil d’accompagnement de l’enfant, à travers une application numérique qui présenterait une cartographie fictive. L’enfant disposerait d’un avatar et pourrait alors interagir avec des acteurs et des lieux faisant écho à ce qui constitue son environnement (la maison, le club de sport, l’école…) pour entrer en interaction avec ceux-ci et nourrir ses questionnements liés à sa maladie et sa gestion au quotidien. Une partie des échanges deviendraient tangibles par les lettres envoyées par les gérants de l’application que j’ai évoqué précédemment.
Au retour dans l’amphi, lors de la synthèse d’atelier, une remise en question nous apparaît à tous évidente : l’application numérique est-elle un outil de médiation adaptée à un public aussi jeune ? En tous cas, l’idée des lettres épistolaires semble être une perspective audacieuse.

 

L’atelier d’Agathe

// Le défi : Questionner la relation de dépendance de l’enfant avec son diabète à travers un objet connecté : le « compagnon ». L’enfant diabétique n’est plus celui qui est soigné mais celui qui « prend soin de ».

Mon équipe est enthousiaste et force de proposition pour le projet. Celui-ci a beaucoup évolué entre le début et la fin de l’atelier, ce qui m’a permis d’ouvrir les pistes de réflexion. La posture de porteur de projet est assez compliquée, car je dois donner beaucoup de compléments d’informations sur le diabète au cours de l’atelier. Les idées dérivent du « compagnon », à un jeu collectif avec d’autres enfants dans le cadre scolaire. Les participants ne sont pas très familiers avec le diabète de type 1, mais peuvent tout de même s’identifier à l’enfant du scénario proposé, car il est surtout question d’intégration à l’école et du regard des autres. Tout le monde apporte un bout de son vécu pour construire le projet, avec des formules comme « Je me souviens », « j’aurais bien aimé » ou encore « ah moi je me rappelle d’un gamin à l’école… ».

 

10 Novembre 2016 – Le matin

Le labo Design+Soin participe ce jeudi 10 novembre à L’École d’automne en management de la créativité. L’École d’Automne est une semaine destinée à familiariser les participants à des processus créatifs et méthodologies de projet. Chefs d’entreprises, chercheurs, artisans, ingénieurs, managers ou encore développeurs, les participants sont tous issus de secteurs d’activités variés. Nous sommes accueillis à l’IRCAD (Institut de Recherche contre le Cancer de l’Appareil Digestif) pour une journée qui s’articule autour de conférences et d’ateliers pratiques questionnant « L’hôpital créatif : design et technologies au service du patient »

Le matin les conférences s’enchaînent. La première est animée par Luc Soler, professeur à l’IRCAD, qui présente ce centre de formation et l’association qui forme et démocratise auprès des médecins à ces nouvelles pratiques chirurgicales. C’est la partie technique du soin, qui se base sur des chiffres, des statistiques, très « mécanique », ce n’est pas le prendre soin comme on a pu l’appréhender jusque maintenant, mais le soin qui répare le corps. Pour Luc Soler, l’innovation passe irrémédiablement par les nouvelles technologies. Cependant, certains praticiens sont contre ces nouvelles technologies de chirurgies, car elles remplacent la plus grande partie de leur activité. Luc Soler souligne que l’objectif de ce métier est sauver des vies, et qu’il faut accepter de se mettre en retrait lorsque les machines travaillent avec plus de fiabilité que l’homme. La conférence suivante est dirigée par un des designers de l’équipe Volvo. La médecine n’est pas au programme de cette présentation, mais les nouvelles technologies de pointe développées par l’entreprise y sont exposées. Le conférencier explique les méthodologies centrées usagé qu’ils utilisent. Il a présenté le développement d’applications qui assistent les ouvriers sur un chantier pour améliorer leur sécurité, mais aussi pour un futur plus lointain le développement de machines autonomes, évitant les accidents de travailleurs, car ils n’auraient plus accès au chantier. Une réaction du public nous a interpellé. Selon l’intervenant, le réel besoin est d’augmenter la sécurité des ouvriers, mais pas de supprimer leur travail, remettant ainsi en cause la méthode centrée usager employée pour ce projet.

Il est intéressant de constater que les deux conférences prônent les nouvelles technologies comme principal facteur d’innovation. Les machines sauvent des vies, chez Luc Soler en réparant les corps et chez Volvo en enlevant le corps du milieu à risque. Est-ce que l’innovation est obligatoirement d’ordre technologique, et a pour but de remplacer l’homme par la machine ?

La conférence de la Fabrique de l’hospitalité ouvre le discours sur les innovations sociales dans l’hôpital. Deux sociologues viennent présenter d’un point de vue sociologique le projet de la maternité. Cette analyse porte sur l’évolution du service 10 ans après sa conception par la Fabrique de l’hospitalité. Le projet a été mené sur un temps long de quatre ans, qui a permis aux usagers de s’habituer et intervenir dans l’élaboration du projet et ce qui a également contribué à son succès. La forme découle donc des besoins de ce service hospitalier, et insuffle de nouveaux usages qui favorisent la transmission des savoirs liés à la maternité. C’est un atout pour la Fabrique de l’hospitalité d’être intégrées à l’enceinte de l’hôpital pour assurer le suivi des projets.

A l’issue de ces conférences, Design + Soin se demande comment le numérique va s’intégrer dans les projets de son labo. Il nous est important de penser l’outil numérique comme un moyen de soutenir des innovations avant tout sociales, et non pas comme une fin en soi. En tant qu’outils de fabrication ou de communication, nous souhaitons réinvestir le numérique dans la mutualisation d’informations et la création de réseaux entre patients. Il nous semble toutefois essentiel que le numérique soit complémentaire du soin, et ne remplace pas l’humain, indispensable dans la relation patient-soignant.

Agathe, Suzanne, Mathilde, Aurélie, Elín, Maëva

3 Novembre 2016

Renate nous reçoit dans son bureau à l’Hôpital de Hautepierre.

Pour commencer, nous revenons plus en détails sur nos thématiques de projet. Elle nous propose d’aborder un sujet après l’autre. Nous débutons par les objectifs de l’éducation thérapeutique.

Il existe 29 programmes différents en ETP (éducation thérapeutique), et chaque programme correspond à une pathologie distincte. Ils ont pour but de développer l’autonomie des patients hors du contexte médical ou hospitalier. Les séances ne sont jamais une obligation pour le patient, et sont organisées par thématiques, orientées sur les gestes du quotidien par exemple.

Le premier rendez-vous en ETP est organisé trois mois après la première hospitalisation. Puis les rendez-vous sont cadencés à un rythme d’une fois par an en hôpital de jour pour y retrouver psychologues, diététiciens, infirmiers. Renate nous précise que ce temps passé avec chacun des personnels hospitaliers, qui est limité à une heure par patient, est souvent insuffisant. Le suivi personnalisé de chaque patient, en fonction de son âge et de sa pathologie, est géré sur un document papier.

Concernant l’âge des patients en ETP, des séances avec des adolescents ont été testées. D’après Renate, ils se sont avérés être des échecs, en raison des difficultés que cette tranche d’âge implique. L’adolescence en elle-même est une caractéristique non négligeable qui s’ajoute à celle de la maladie. Nos éventuelles futures interventions seront donc une nouvelle tentative avec ce type public.

Les séances d’ETP avec des enfants se passent dans le service des grands enfants, avec un accès à des ordinateurs. Des temps séparés entre les parents et les enfants sont mis en place, pour pouvoir davantage libérer la parole des enfants, car « ce n’est pas vous qui portez la pathologie, c’est eux qui la vive ». Renate évoque le travail de Magali Bertrand, une infirmière qui s’attèle entre autres à la recherche d’outils de communication adaptés aux enfants. Les supports sont « obsolètes », le dossier propose des « exercices » pour les parents et les enfants qui apparaissent peut-être trop scolaires et peu attractifs.

Cela fait immédiatement écho à nos recherches dans le cadre de notre projet, nous prenons alors les coordonnées de cette dernière.

À propos du programme adapté aux enfants diabétiques de type 1, Renate pense que « tout le parcours du patient-enfant diabétique est à revoir, avec pourquoi pas, des temps collectifs comme le propose le programme pour les adultes ». Elle nous cite notamment l’association de l’AJD (Aide aux jeunes diabétiques), que nous avions déjà aperçu en faisant des recherches sur internet.

L’infirmière nous présente les fiches de PAI (projet d’accompagnement individualisé) qui est un document donné au service médical des écoles.

Enfin elle aborde rapidement le sujet de l’adolescent à l’hôpital. « La pathologie et l’adolescent ne font pas bon ménage ! Lors de sa transition l’adolescent échappe aux parents ». Elle nous révèle aussi que c’est une période très compliquée pour ces jeunes car « ils en ont marre de l’hôpital ». Dans les normes de l’hôpital, on considère qu’un adolescent devient adulte à 17 ans et 3 mois. Mais il semble que cette transition soit plus tardive pour ceux qui sont suivis depuis leur plus jeune âge. Aujourd’hui il est possible d’organiser une journée de transition qui propose une consultation conjointe. Elle souligne également la nécessité de prendre en considération l’adolescent dans tous ces aspects, notamment en leur permettant d’avoir des entretiens avec des psychologues et sexologues en cas de besoin. Elle nous informe également qu’aucun mineur ne peut se déplacer seul dans l’enceinte de l’hôpital, ce qui est une forte contrainte pour ces jeunes.

Nous arrivons à la fin de l’échange, mais nous prévoyons une nouvelle prise de contact avec Renate, pour approfondir le sujet de l’adolescence à l’Hôpital.

Agathe, Suzanne, Mathilde, Aurélie

Après avoir observé le déroulement d’une journée 2 d’éducation thérapeutique, nous comprenons que le but de ces journées est d’apprendre un maximum au patient pour le rendre autonome dans ses soins.

Le patient est un élève dont l’intervenant spécialisé est le professeur. Malgré la participation active des patients c’est tout de même un enseignant qui apporte le savoir et des apprenants qui l’écoutent attentivement. Cette situation a parfois pour effet d’infantiliser le patient adulte. L’enseignant parle de tous les sujets même ceux pouvant être gênant, par le biais de métaphores et d’euphémismes :
“quand vous allez faire pipi”

“des personnes qui veulent se faire du mal”
Cela peut créer des sujets taboos, le suicide en l’occurrence.

Les patients sont principalement stimulés visuelement et oralement, les professionnels leur montrent ce qu’il faut faire, ce qu’il faut dire. Excepté durant la séance d’ergothérapie où ils sont invités à toucher et essayer, il sont physiquement impliqués.
Nous avons remarqué que les patients ne prennent pas ou très peu de notes. Ils n’ont pas d’outils de restitution alors que beaucoup de savoir est transmis. Qu’est-ce que les patients gardent de ses journées, quelles sont les interventions qui les marque?

Contrairement à notre première immersion en jour 1 d’etp, ici les patients se sont déjà rencontrés. Ils se connaissent rapidement et ont créé des liens lors de la première journée. Ils se confient avec plus de facilités que le premier groupe que nous avions observé. Ils n’hésitent pas à parler très librement de sujets qui pour nous sont gênants ou honteux. Ils acceptent aussi de dévoiler leurs faiblesses, leurs émotions et sentiments. C’est ainsi que nous découvrons la douleur psychique qu’ils éprouvent face à l’incompréhension de leur entourage envers la maladie. Ce manque d’empathie est une réelle angoisse particulièrement au travail (une honte même) mais aussi dans le cadre familial. Cette inconstance est dur à vivre, le patient est même soupçonné de « faire du cinéma ». Nous pensons à la mise en place d’outil qui permette de patient de communiquer sa maladie à son entourage et de développer une sorte d’empathie chez eux.
Pouvoir faire comme tout le monde est vraiment important pour les patients. C’est encore plus fort lors de la séance d’ergothérapie. Les patients ont du mal à accepter l’aide-technique :
“oui c’est pratique, mais bon je vais pas utiliser ça tout les jours !”

“Je peux pas le prendre au travail, comment j’explique à mon patron”

“ah oui t’as l’air un peu branlot avec ça”

L’esthétique de l’objet est finalement tout aussi importante que son utilité même. L’objet tel qu’il est ne renvoie à rien, il est neutre ou médicalisé. La pauvreté des couleurs, textures et même de formes ne permet pas à l’usager de s’identifier dans l’objet. Les sentiments et émotions associés aux objets sont très importantes pour leur bon usage. Une patiente préfère cuisiner dans les lourdes casseroles en fonte de sa grand-mère, même si elle en pleur de souffrance plutôt que de changer et d’utiliser une aide-technique, tout simplement parce qu’elle a des sentiments profonds pour cet objet.

C’est une information vitale pour nous. Dans un premier temps pouvons nous faire de la greffe sur des objets chers aux patients pour les adapter? Et enfin comment rendre un objet émotionnel pour que l’on s’identifie à lui? Il nous semble nécessaire de travailler au cas par cas dans une logique d’ultra-personnalisation. Il s’agit de trouver le juste milieu entre l’objet fonctionnel, adapté et l’objet auquel on s’attache, sur lequel on projette des émotions. C’est à partir de cela que nous pourrons construire avec lui un univers d’objets juste, qui lui parle profondément, qu’il aura plaisir à manipuler et qui seront légitimes de l’être.

3 Novembre 2016

La visite de la Maison des Adolescents nous est présentée par leur directrice Delphine Rideau. La Maison des Ados est un endroit détaché de l’enceinte de l’Hôpital Civil, mais que les initiateurs du projet se sont attachés à rendre visible.

Il existe une Maison des Ados dans quasiment chaque département de la France. Ces maisons regroupent des équipes très variées issues du monde médical comme des psychologues, médecin généralistes, mais aussi des métiers de l’ordre du social, par exemple des éducateurs ou assistantes sociales.

La Fabrique de l’Hospitalité a aidé au développement du projet, notamment avec un travail sur l’espace, en collaboration avec des designers et peintres. Leur travail a consisté à créer un parcours naturel et intuitif pour entrer dans la Maison des Ados, afin de pouvoir accueillir un public très varié, de tout âge et de toute catégorie sociale – professeurs, adolescents, parents. La façade est la clé de voûte du projet, qui a nécessité un travail important sur l’harmonisation des couleurs en peinture, pour donner une grande visibilité au bâtiment et encourager le public à y entrer.

À l’intérieur, les espaces sont conçus pour offrir de la visibilité mais aussi des moments plus privés en cas de besoin. En effet, ce lieu est avant tout l’endroit où les adolescents, âgés en moyenne de 12 à 21 ans, peuvent être écoutés, conseillés, sur des questions courantes liées à la transition qui caractérise l’adolescence. L’accompagnement des jeunes n’est pas au long court, et pour des problèmes plus spécifiques ils seront redirigés vers des services plus spécialisés.

En ce qui concerne les actions menées par la maison des adolescents, des ETP pour le diabète avaient été organisés pour les adolescents qui deviennent parfois plus réticents au traitement. Cependant, la prévention qui est menée est très primaire et conventionnelle. Les adolescents ne se retrouvent pas toujours dans les ateliers proposés. De manière générale, il semble que les préventions de santé sont plutôt moralisatrices et perdent ainsi de leur efficacité auprès des adolescents.

Agathe, Suzanne, Mathilde, Aurélie